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La Divine Providence

La providence : une idée morte ou une idée porteuse ?

La providence : une idée morte ou une idée porteuse ?

 

Conférence du père Paul Valadier, sj.

18 juin 2017

 

Session Socrate Saint-Paul hors les murs

Centre Sèvres

Paris

 

 Transcrit par M.C

Lien internet :

https://www.youtube.com/watch?v=8ZBzmtSs6C0&feature=youtu.be

 

 

 

La providence, ce sujet est tombé en désuétude.  Le concept est mal vu (I). Mais on ne peut pas totalement s’en défausser dans une perspective chrétienne (II).

 

I. Le concept est mal vu. Le discrédit pèse sur l’idée de providence pour les raisons suivantes :

 

-       1/ Nous vivons dans des sociétés sécularisées : la réalité se déploie comme si Dieu n’était pas donné. On n’ pas besoin de Dieu dans un laboratoire, à l’Elysée, dans les relations internationales, dans la vie familiale. Dieu n’est pas visible. Dieu est marginalisé. Deux attitudes sont possibles : une lecture « cool » de la sécularisation : avec Vatican II, il y a une autonomie des réalités terrestres : rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ;  une lecture « hard », tragique : nous vivons dans un monde sans Dieu, un monde de la mort de Dieu, nous sommes dans l’après-dieu. On va vers le non-sens, le nihilisme. La référence à Dieu ne s’impose dans la vie sociale, politique, culturelle.

 

-       2/ Nous faisons un usage abusif du thème de la providence, décrédibilisé par un excès d’interventionnisme divin : tremblements de terre, maladie.

Ne pas confondre providence et prédestination : Dieu a élu certains hommes pour la vie éternelle. D’autres sont laissés à la damnation. L’homme ne sait pas. Il y a l’élection gratuite et arbitraire des élus (Calvin).

Ne pas confondre providence et prescience divine : idée que Dieu a tout prévu, tout programmé. L’histoire est un film dont la fin est déjà prévue.

Ces deux théologies ont des lettres de noblesse mais leur inconvénient est que l’histoire des hommes est vide. L’histoire est indifférente. Tout est fixé dans l’intelligence divine : voir dans ce sens le protestantisme et l’Islam (Inch Allah) où l’attitude la plus noble est la soumission : esclaves, nous sommes manipulés par la toute science divine.

 

-       3/ Ne pas confondre providence et destin, sort, fatalité : le destin est écrit quelque part, on peut le déchiffrer. Les jeux sont déjà faits. C’est une forme moderne de solécisme : ce n’est pas la peine de se battre contre ce qui ne dépend pas de vous. Nous sommes appelés à la soumission au destin. C’est la passivité des esclaves. Cette attitude a sa grandeur. Le destin est le destin de l’humanité.

 

-       4/ Théologies providentialistes : elles se donnent le bénéfice de savoir quel est la volonté de Dieu : pour Bossuet, les hommes ne peuvent se passer du pouvoir monarchique. La volonté de Dieu est qu’il y ait une monarchie qui soutienne l’église. On sait ce que Dieu veut. S’opposer au monarque est un problème politique et théologique. Ces théologies n’ont pas totalement disparues : pour Marx : l’avenir de l’humanité se dessine dans le prolétariat/les pauvres. C’est une idée providentielle sécularisée. Il y a une inscription précise, historique de la volonté divine. Il faut obéir au monarque, ou lutter avec le prolétariat ; se mettre dans le sens de la volonté divine, ou dans le sens de l’histoire. Dieu aime les monarques, Dieu aime les pauvres. On sait ce qu’il veut. Le mystère disparaît. L’histoire avance de manière infaillible vers sa fin : chaos, terrorisme, mondialisation. Il devient difficile de parler d’un sens de l’histoire.

 

 

II. Mais on ne peut pas totalement se défausser du concept de providence dans une perspective chrétienne.

 

Dans la Bible, il y a un Dieu qui anime, fonde, dirige l’histoire, avec le passage de l’Eden à l’attente de la Jérusalem céleste, la fin des temps (eschatologie) présentée dans l’apocalypse de Jean, et dans Isaïe. Le Dieu de la Bible n’est pas passif, il est interventionniste. Il choisit un peuple, des élus en vue de l’Annonciation, des sages, des justes. Ce n’est pas l’empereur du monde (Hegel), qui serait à distance et totalement énigmatique.

 

-       Dieu se révèle, il se dit. Il adresse aux hommes une parole. Il donne un message, une loi salvifique. Il y a auto-révélation de Dieu en Jésus Christ. Le dessein de rédemption est révélé. C’est un appel à la vie éternelle. Il y a la naissance d’un monde nouveau hors de la mort. Dans l’islam, Dieu reste inconnu, il donne sa loi. Il attend une réponse. Dans la bible, il y a l’histoire d’un procès ; la croix n’a de sens que dans un procès. Dieu se propose et attend que l’homme prenne au sérieux cette parole. On peut s’ouvrir au salut ou le refuser. La grandeur de Dieu, c’est qu’on puisse lui dire non.

 

-       La révélation chrétienne pose moins un Dieu omniscient, qu’un Dieu qui aide, qui secourt, qui prévient, qui relève, qui stimule. C’est le Dieu non des morts, mais des vivants. C’est un Dieu père, qui dit : Lève-toi et marche. Dieu nous laisse vivre. Dieu n’est pas impassible, lointain, arbitraire, c’est un père auquel on peut parler même dans la détresse comme Jésus sur la croix ; nous poussons un cri pour appeler un Dieu qui peut nous répondre pas forcément avec la réponse que nous attendions. Il nous répondra, on ne sait pas comment. Dans les camps de concentration, les croyants étaient ceux qui étaient les plus capables de résister, de se tenir debout, de marcher. Le mystère a sa place. Quand on parle de providence, il ne faut pas vider Dieu de son contenu : Dieu est mystère. Nous pouvons connaître le dessein de Dieu mais pas dans le fond. Ce qui compte, c’est que Dieu nous entende. Dieu n’est pas Dieu de la soumission, le Dieu de l’Islam. Dieu parle à l’homme à travers son cœur (Pascal) et à travers sa conscience (Paul). Les hommes seront jugés par Dieu sur leur conscience. La conscience est la voix de Dieu dans l’Homme, pas la loi, la charia, la Torah. La conscience est la présence en nous de Dieu. La conscience nous met devant un absolu qui peut nous commander le sacrifice de nous-mêmes et nous arrache à l’immédiat. La conscience est en nous comme une boussole qui nous oriente, c’est la retenue en nous. Dieu ne parle pas dans les astres à travers le marc de café, mais via notre conscience.

-       Le Dieu chrétien inspire les volontés humaines. Les Exercices de Saint Ignace sont un moyen de chercher à discerner la volonté de Dieu en nous, comment la volonté peut s’éclairer à travers nos « motions ». A travers la volonté humaine instruite, on découvre la volonté de Dieu. La foi chrétienne ne pose pas de rivalité entre Dieu et l’Homme. L’Homme n’est pas un esclave, mais un fils qui essaye de répondre à Dieu à travers ses aspirations. Travailler à la justice, à l’entente, à la miséricorde, c’est faire la volonté de Dieu. On s’ouvre à sa volonté en déchiffrant notre propre volonté. la recherche de la volonté de Dieu sur nous passe par un discernement. Il faut totalement se confier à Dieu et totalement se mobiliser. Les deux comptent : il faut mobiliser sa propre volonté. Le travail de discernement est nécessaire car la volonté de Dieu est rarement discernable en clair. Dans toute décision, il y a une part d’incertitude. L’idée de providence implique l’idée de confiance. Notre Histoire individuelle et collective est aux mains d’un père. L’alliance est indestructible. Il y a une espérance : Dieu sauve. Nous ne connaissons pas le mystère fondamental de Dieu. Ce qui compte, c’est le climat de confiance, de louange…

 

-       A travers les chaos de l’Histoire, le Chrétien ne peut pas être un défaitiste. Dieu n’abandonnera pas l’humanité. Il ne faut pas être défaitiste. Il faut faire confiance en un Dieu qui veille sur nous. Nous avons la tâche de faire avancer la justice, la charité.