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Ouverture 2ème-séance IPPA-

OUVERTURE DE LA DEUXIEME SESSION DE L’INSTANCE PERMANENTE ...

 


les questions autochtones

1ère et 2ème séances – matin et après-midi


OUVERTURE DE LA DEUXIEME SESSION DE L’INSTANCE PERMANENTE SUR LES QUESTIONS AUTOCHTONES


La vulnérabilité des 175 millions d’enfants autochtones

face aux multiples formes de discrimination et de sévices est dénoncée


La cérémonie marquant l’ouverture de la deuxième session de l’Instance permanente sur les questions autochtones s’est tenue ce matin au Siège des Nations Unies à New York.  Des centaines de représentants des peuples les plus pauvres et marginalisés du monde, arborant les tenues traditionnelles de leur région, que ce soit l’ample robe colorée des hautes terres du Guatemala ou encore la tunique traditionnelle de la tribu népalaise des Tamang, se sont ainsi retrouvés pour faire valoir leurs droits fondamentaux et proposer des solutions aux défis que connaissent les autochtones dans le monde.


Placée cette année sous le thème «Les enfants et les jeunes autochtones», cette deuxième session de l’Instance, permettra, selon son Président, Ole Henrik Magga, lui-même originaire du peuple Saami en Norvège, de sceller la nouvelle alliance entre les peuples autochtones et le système des Nations Unies.  A l’appel du Président, une minute de silence a été observée en mémoire des victimes des violences perpétrées contre les communautés autochtones.  Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones, Radolpho Stavenhagen, a quant à lui dénoncé l’ampleur du racisme qui les frappe, signalant que la situation est particulièrement préoccupante lorsqu’il s’agit de femmes et d’enfants. 


Au son de la Conque, le Chef spirituel d’une confédération de six tribus amérindiennes, Chef Tadodaho Sidney Hill, a récité une action de grâce dans sa langue natale des Onondaga, entouré d’enfants de sa nation, avant de préciser que la fin de la Décennie des peuples autochtones est proche mais que la plupart des questions les intéressant ne sont pas encore réglées.  La Conseillère spéciale pour la promotion de la femme et la parité entre les sexes, Angela King, Sous-Secrétaire générale a lu un message du Secrétaire général, Kofi Annan, dans lequel il soulignait que l’Instance devra travailler à l’établissement de normes juridiques qui permettront de stimuler l’adoption de lois au niveau national.


Dans l’après-midi, les membres de l’Instance, les représentants d’institutions spécialisés des Nations Unies et deux représentantes d’organisations de jeunes autochtones ont mis en lumière la vulnérabilité de la jeunesse autochtone, estimée à 175 millions d’enfants dans le monde, face aux nombreuses formes de discrimination, de violence et de sévices dont ils sont les victimes. 


Par dessus tout, le manque de données statistiques, pourtant indispensables à l’élaboration de politiques bien conçues, a retenu l’attention des participants, l’experte du Danemark, Ida Nicolaisen, demandant qu’une étude approfondie des cadres sociaux soit menée afin de définir les politiques les plus pertinentes.  La représentante du Conseil international des Traités indiens, Elizabeth Garrett a, elle-aussi, jugé indispensable la collecte de données et a recommandé la constitution d’une équipe spéciale de la jeunesse autochtone dans les principales institutions  des Nations Unies.


L’Instance poursuivra demain mardi 13 mai à 10 heures son débat interactif sur les jeunes et les enfants autochtones et entamera à partir de 15 heures l’examen de ses méthodes de travail au sein du système des Nations Unies.


Cérémonie d’ouverture de la deuxième session de l’Instance permanente sur les questions autochtones


Déclarations


CHEF TADODAHO SIDNEY HILL, Chef spirituel des Haudenosaunee (confédération de six tribus amérindiennes), après avoir récité une action de grâce dans sa langue natale, a indiqué que 2003 marquait la fin de la Décennie pour les populations autochtones, sans que la plupart des questions intéressant les peuples autochtones aient trouvé des solutions, ce qui représente un véritable défi moral pour les Nations Unies.  Vingt-sept ans après que nos leaders se soient rendus à Genève pour demander la création de cette Instance pour la défense de leurs droits, nous demandons que nos traités deviennent des instruments internationaux, a-t-il dit.  Nous avons été naïfs dans nos attentes, mais grâce à nos chefs nous avons fait des progrès.  Pour cette deuxième session, qui porte plus particulièrement sur les droits des enfants, nous allons œuvrer à la prospérité des générations à venir.  Nous avons besoin d’une autre Décennie pour finaliser notre projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones et pour faire respecter notre droit à l’autodétermination, tel qu’il est défini dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, a conclu le Chef Hill. 


Mme HEATHER MINTON-LIGHTENING, représentante de la jeunesse autochtone, a lu un message au nom de cinq représentants d’associations de jeunes originaires d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine.  Nous lançons un appel pour que les membres de cette Instance écoutent les préoccupations des dirigeants de demain, notamment pour ce qui est du droit à une éducation culturellement appropriée, de l’accès aux soins de santé et de l’élimination des discriminations que subissent les peuples autochtones dans tous les aspects de leur vie, a-t-elle déclaré.  Les femmes autochtones sont particulièrement vulnérables aux multiples formes de violence, en particulier à la suite des conflits armés.  Nous encourageons le système des Nations Unies à inclure les jeunes dans leurs activités et nous demandons la création d’une unité au sein de toutes les agences des Nations Unies pour les jeunes autochtones, a-t-elle lancé.


M. OLE HENRIK MAGGA, Président de la deuxième session de l’Instance permanente sur les questions autochtones, a rappelé que l’an dernier, les peuples autochtones avaient connu violences et assassinats et a demandé à l’assistance de se lever et d’observer une minute de silence à la mémoire de «nos frères, sœurs et enfants» qui ont ainsi perdu la vie. 


Pour lui, l’Instance permanente sur les questions autochtones symbolise une nouvelle alliance entre les gouvernements et les peuples autochtones, qui doit pouvoir mettre en place une coopération efficace avec les autres agences des Nations Unies, les Etats et les autres peuples autochtones.  Cette Instance a un potentiel sans précédent pour traiter des besoins et préoccupations des peuples autochtones du monde.  Mais les défis sont immenses: les peuples autochtones souffrent dans le monde entier de sous-alimentation et du manque de soins de santé, ce sont souvent les plus pauvres parmi les pauvres, a-t-il insisté.  L’Instance doit donc trouver au plus vite sa place au sein du système des Nations Unies pour s’acquitter de son mandat. 


Lors de la première session, a poursuivi M. Magga, l’Instance permanente sur les questions autochtones n’avait ni un secrétariat ni les ressources nécessaires à un bon fonctionnement; l’année écoulée n’a pas été facile, a-t-il souligné, remarquant cependant le grand travail accompli pendant ce temps malgré des conditions difficiles.  Avec la résolution 57/191, l’Assemblée générale a décidé de créer un Secrétariat à New York pour aider l’Instance à s’acquitter de son mandat au sein du Département des affaires économiques et sociales.  Le Président a regretté que la moitié des recommandations de la première session n’aient pas encore été mises en œuvre, mais a reconnu le bon écho qu’elles avaient reçu au sein de plusieurs agences des Nations Unies telles l’UNICEF, la FAO, le PNUD, l’OMS et de nombreuses autres.  Le Président a également remercié le Groupe de soutien interinstitutions créé pour aider le Secrétariat de l’Instance à s’acquitter de son mandat. 


Le Président de la session a également cité certaines organisations régionales comme l’Union européenne et plusieurs Etats et organisations autochtones qui ont réagi positivement à la création du Secrétariat: il a souligné l’aide apportée par les Gouvernements de Nouvelle-Zélande, du Canada et des pays nordiques comme la Suède et la Norvège.  Mais beaucoup reste à faire et pour cela nous avons besoin de ressources, a-t-il déclaré.  Afin de permettre à l’Instance permanente sur les questions autochtones de devenir autonome et de traiter les besoins et préoccupations des peuples autochtones, il a appelé les Etats et les organisations à contribuer au Fonds volontaire du Secrétariat.  M. Magga a par ailleurs estimé que la loi récente proposée par le Gouvernement norvégien concernant la terre n’était pas conforme aux traditions et à l’équité.


Message du Secrétaire général, Kofi Annan, lu par Angela King, Sous-Secrétaire générale et Conseillère spéciale pour la promotion de la femme et la parité entre les sexes


Depuis la tenue pour la première fois de l’Instance permanente sur les questions autochtones l’année dernière, des progrès importants ont été réalisés pour bâtir une maison pour les peuples autochtones au sein des Nations Unies.  Le Secrétariat de l’Instance permanente a été ouvert en janvier dernier, le financement en a été assuré tandis que les organisations autochtones, les institutions du système de Nations Unies et un réseau d’Etats Membres des Nations Unies ont commencé à collecter et partager des informations, jetant ainsi les bases d’une infrastructure capable de répondre aux défis que présente le mandat de l’Instance.


Nous n’avons pas de temps à perdre, les peuples autochtones étant encore victimes d’une discrimination systémique.  Ils sont exclus des cercles de pouvoir économique et politique.  Leur identité culturelle est bafouée, leur terres confisquées.  Les peuples autochtones sont plus susceptibles de souffrir de la pauvreté extrême et bien trop souvent connaissent la misère humaine que génèrent les conflits.  Il est donc d’autant plus important d’inclure les questions autochtones dans tous les aspects du travail des Nations Unies et de faire en sorte que les Objectifs de développement du Millénaire tiennent compte des besoins des peuples autochtones.  Nous devons reconnaître la contribution importante des peuples autochtones, non seulement en matière de protection de l’environnement, mais également dans des domaines clé de l’agenda de la communauté internationale comme l’établissement de normes juridiques pour les droits des peuples autochtones.  L’établissement de ces normes dans le cadre du projet de déclaration est essentiel dans la mesure où cela permettra de stimuler l’adoption de lois au niveau national.


M. SERGIO VIEIRA DE MELLO, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme, dont le message était lu par M. BACRE NDIAYE, Directeur du bureau de New York du Haut Commissariat aux droits de l’homme, a rappelé qu’il y a 10 ans exactement, en 1993, la Conférence mondiale sur les droits de l’homme avait recommandé la création d’une Instance permanente sur les questions autochtones.  Cette proposition reprise à plusieurs occasions a finalement été lancée en mai 2002.  Lors de cette première session, de nombreuses propositions avaient été faites en matière de droits humains des peuples autochtones et le Haut Commissariat a fourni un rapport sur les mesures qu’il a prises pour y répondre.  M. Vieira de Mello a appelé l’Instance à tirer le meilleur parti des capacités et de l’expérience de chaque organe et mécanismes des Nations Unies, insufflant un nouvel élan au système de l’ONU sur ces questions.


S’agissant des droits de l’homme, il a appelé l’Instance à travailler étroitement avec le Groupe de travail spécial et avec M. Rodolfo Stavenhagen, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, précisant que la Commission des droits de l’homme l’avait chargé de faire rapport aux gouvernements sur la situation des peuples autochtones, mener des missions d’enquête dans les pays concernés et traiter directement des violations observées avec les gouvernements.  Enfin, M. de Mello a estimé que le Groupe de soutien interinstitutions sur les questions autochtones constituait un mécanisme utile pour renforcer la coopération et l’efficacité de l’Instance permanente. 


M. JOHAN SCHÖLVINK, Directeur de la Division des politiques sociales et de développement du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, a remarqué que l’Instance permanente sur les questions autochtones était un organisme pionnier et unique en son genre, soulignant pour la première fois dans l’histoire des Nations Unies que les peuples autochtones étaient membres et partenaires d’un organe de haut niveau.  Depuis le 27 janvier 2003, le Secrétariat de l’Instance permanente sur les questions autochtones siège au sein du Département des affaires économiques et sociales, a-t-il rappelé, pour veiller à la mise en œuvre du mandat assigné à l’Instance.  Au sein du Département, l’Instance a accès à un vaste éventail d’expertises dans les domaines du développement social et économique, de l’environnement, d’élimination de la pauvreté, de l’exploitation et du chômage ou de la promotion des femmes, des questions démographiques, des migrations ainsi que dans le domaine des statistiques.


M. Schölvink a rappelé que l’établissement du Secrétariat de l’Instance permanente sur les questions autochtones avait été décidé conformément à la résolution 57/191 (document A/57/7/Add.19) de l’Assemblée générale.  L’Instance veillera notamment à coordonner l’action des institutions du système des Nations Unies sur les questions autochtones; à défendre et promouvoir les politiques de l’Instance devant les Nations Unies, les agences, programmes et fonds de l’organisation; à s’assurer de l’intégration des questions autochtones dans les programmes intergouvernementaux et interagences et à mettre en œuvre des programmes visant à attirer l’attention des ONG, médias, universités et de la société civile sur les questions autochtones.


M. RODOLFO STAVENHAGEN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones, a déclaré que la création de cette Instance est une étape importante dans l’histoire des droits des peuples autochtones.  Depuis sa nomination en 2001, a-t-il expliqué, il s’était attaché à mener des activités de recherche, à développer des questions thématiques, à mettre en place des missions sur le terrain et à lancer des activités de sensibilisation.  Lors de ses visites sur le terrain a précisé le Rapporteur, il avait pris conscience de l’ampleur du racisme que les autochtones subissent, affirmant que cette situation était particulièrement préoccupante pour les femmes et les enfants.  Le Rapporteur a notamment souligné que les autochtones subissent les coûts imposés par les grands projets de développement en terme notamment d’incidence sur la santé et de propriété des terres. 


Le deuxième pilier de mon mandat a-t-il expliqué, portait sur la situation sur le terrain.  Au Guatemala par exemple, l’accès à la terre constitue un problème majeur, alors qu’aux Philippines où la législation reconnaît le droit à la terre, il existe encore de grandes disparités dans l’application de ce droit, a-t-il précisé. 


Le troisième pilier son travail portait sur les allégations de violations des droits des personnes autochtones.  Le Rapporteur a lancé un appel à toutes les organisations et individus pour qu’ils fournissent des informations claires et détaillées sur les cas de violations des droits des peuples autochtones. 


Mme VICKY TAULI CORPUZ, Présidente du Fonds volontaire des Nations Unies pour les populations autochtones, a expliqué que ce Fonds avait été créé par une résolution de 1992 de l’Assemblée générale pour aider les représentants des communautés autochtones à assister aux sessions de travail les concernant et aux travaux de la Commission des droits de l’homme notamment, grâce aux contributions volontaires des Etats, gouvernements et entreprises publiques et privées.  Une résolution de l’Assemblée générale en décembre 2001 a en outre décidé que le Fonds devait aussi permettre aux représentants d’assister aux sessions de l’Instance permanente sur les questions autochtones.  Le conseil d’administration du Fonds a examiné en mars dernier 250 demandes et, conformément aux fonds disponibles, il a recommandé au Secrétaire général d’approuver 23 subventions de voyage.  Une évaluation a reconnu que le Fonds avait contribué à donner aux peuples autochtones une meilleure visibilité dans le système des Nations Unies.  L’existence de ce Fonds a également permis d’arriver à un véritable partenariat entre certains Gouvernements, contributeurs réguliers, et autochtones. 


Mme Tauli Corpuz a par ailleurs souligné le rôle du Fonds dans la ventilation de statistiques utiles pour l’élaboration de programmes et de politiques.  Il est très important, selon elle, que les différentes agences de l’ONU présentent des rapports exhaustifs sur ce qu’elles ont fait en faveur des autochtones, y compris les carences dans leur action.  Elle a suggéré en outre que les commissions techniques –droits de l’homme, développement durable, environnement, fassent également de tels rapports au cours de la session de l’Instance permanente sur les questions autochtones.  Les peuples autochtones doivent de leur côté faire leur propre évaluation sur la façon dont les institutions de l’ONU ont traité leurs demandes et suggestions.  L’Instance en a le mandat, a-t-elle assuré, l’appelant à devenir un véritable partenaire du système des Nations Unies.  La présence de nombreux peuples, tribus, nations et d’un grand nombre d’Etats Membres est en ce sens de très bonne augure, selon elle. 


Exposés d’experts sur le thème des enfants et les jeunes autochtones


Mme DINA PACARI VEGA, Ministre des affaires étrangères de l’Equateur, a déclaré que les droits des populations autochtones ont beaucoup progressé pour devenir un secteur politique permettant d’asseoir l’identité de ces populations.  Ils sont devenus aujourd’hui des acteurs sociopolitiques qui commencent à influencer les politiques.  L’élément clé d’un développement fécond des identités collectives se trouve dans la défense de la mémoire collective.  Il a fallu revaloriser les identités historiques à travers un exercice de participation décentralisé dans le domaine public.  Tous les visages doivent constituer le visage d’un seul pays.  C’est dans le respect de la différence que nous devons exprimer la diversité culturelle de nos pays. Les peuples autochtones d’Amérique latine s’efforcent de combler le fossé de plus en plus grand entre l’histoire telle qu’elle est retranscrite dans nos livres d’histoire et les inégalités contemporaines. 


Face à la mondialisation, nos pays d’Amérique latine ont le bénéfice d’un multiculturalisme profondément ancré.  Compte tenu de la complexité des situations, nous devons relever nombre de défis pour que les droits des peuples autochtones soient respectés.  Nous devons en premier lieu prendre conscience du fait qu’il existe des peuples autochtones dans de nombreuses régions du monde.  Malheureusement, dans leurs relations avec le monde extérieur, ces populations subissent de multiples formes de discrimination et de mauvais traitement que les  gouvernements ont la responsabilité première de combattre.  Il leur incombe de leur assurer l’accès sans discrimination à l’éducation et à des soins de santé de qualité.  Nous sommes malheureusement encore loin des objectifs de la Décennie internationale des populations autochtones. 


En Equateur, nous avons mis en place des assemblées de représentants autochtones ce qui a mené à la reconnaissance de leurs droits collectifs, à la préservation de leur culture et pour les jeunes à une éducation bilingue.  Un Code sur la jeunesse autochtone a été adopté par le Parlement ce qui constitue une étape historique pour les droits des jeunes autochtones. 


M. JAAP DOEK, Président du Comité des droits de l’enfant, a expliqué que tous les enfants, c’est-à-dire âgés de moins de dix huit ans, doivent bénéficier de tous les droits prévus par la Convention relative aux droits de l’enfant; c’est vrai aussi pour les enfants autochtones.  Or la jouissance des droits par les enfants autochtones est parfois très limitée, quand elle existe.  La Convention est néanmoins applicable à tous les enfants et son article 30 –adopté à la demande des ONG autochtones- mentionne nommément les enfants autochtones; il a été accepté par la plupart des Etats parties à de rares exceptions près.  Le Comité, a-t-il poursuivi, recommande en général aux Etats parties de prendre certaines mesures pour faciliter la participation des enfants autochtones, par exemple celle des enfants Roms en Roumanie ainsi que de faciliter l’apprentissage de la langue d’origine. 


On estime à 175 millions dans le monde le nombre des enfants autochtones, a souligné le Président du Comité des droits de l’enfant en indiquant que cet organe avait inscrit à son programme, le 19 septembre 2003, une journée entière de débat sur ce thème à Genève.  Il s’agira d’un échange d’informations sur les expériences et mises en œuvre des politiques au plan national visant à promouvoir et protéger les droits des enfants autochtones.  Le Comité encourage les enfants autochtones à participer véritablement à ces discussions et appelle les ONG à faciliter cette participation.  M. Doek a insisté notamment sur le droit à la nationalité, le droit à préserver son identité, le droit à l’éducation en mettant l’accent sur la qualité de l’enseignement.  Il a estimé qu’assez d’engagements avaient été pris au cours de la décennie écoulée, qui devraient suffire à lancer une nouvelle décennie consacrée aux peuples autochtones, qui serait cette fois une décennie d’action.


Mme IDA NICOLAISEN, Membre de l’Instance permanente sur les questions autochtones, a évoqué les nombreuses barrières qui freinent l’épanouissement des jeunes autochtones, notamment un mauvais accès aux soins de santé, au marché du travail et la prévalence de multiples discriminations et de mauvais traitements.  Nous devons faire en sorte que ce siècle soit digne matériellement et spirituellement de ces jeunes.  Nous avons tous beaucoup à perdre de notre incapacité à créer des conditions de vie favorables pour les enfants et la jeunesse autochtones.  La question de la jeunesse et des enfants est une question transectorielle qui appelle de la part des Etats la mise en place de politiques holistiques. 


Une des questions transectorielle porte sur les besoins en données statistiques fiables pour permettre l’élaboration de politiques bien pensées.  Nous manquons de données sur la maltraitance et la malnutrition.  Nous devons disposer d’études par pays sur les conditions de vie des peuples autochtones.  Je vous demande d’appuyer la création d’une base de données sur les jeunes.  Signalant l’ampleur de l’exode rural chez les jeunes qui sont «aspirés» par les villes, Mme Nicolaisen a expliqué que l’habitat social et culturel des villes et l’absence du réseau familial, la drogue et les mauvais traitements sont des obstacles à leur épanouissement.  Les jeunes autochtones sont victimes de nombreuses formes de discrimination.  Je demande qu’une étude approfondie des cadres sociaux soit menée afin de définir des stratégies à adopter.


Mme ELIZABETH GARRETT, représentante du Conseil international des Traités indiens, chargée de la jeunesse, a expliqué que ce traité implique de prendre soin de l’avenir des enfants pour les sept générations à venir.  Les jeunes sont particulièrement vulnérables en raison des conflits entre générations, du manque d’accès au processus décisionnel et ils sont particulièrement sensibles à la destruction de l’environnement, notamment économique et social, mais manquent de ressources pour s’y opposer.  La volonté politique et le caractère urgent des situations ont donné un nouvel élan à la jeunesse autochtone, qui s’efforce de se mobiliser, a-t-elle remarqué.  Mais en ce qui concerne la participation des jeunes aux réunions nationales et internationales, le financement reste aléatoire et irrégulier; sur le travail des enfants, la Convention pertinente de l’OIT n’est pas encore ratifiée par tous; la Conférence de la jeunesse autochtone a eu lieu pour la première fois aux Philippines mais le projet de Déclaration sur les droits des peuples autochtones n’a toujours pas été adopté. 


La semaine dernière les gouvernements ont achevé le plan de mise en oeuvre des décisions prises au Sommet de Johannesburg mais il faudra encore une génération pour mener ces tâches à bien, a-t-elle estimé.  Mme Garrett a par ailleurs mentionné deux autres priorités, la collecte de l’information et les peuples autochtones non reconnus: la collecte de données est essentielle pour pouvoir élaborer des politiques nationales concernant réellement les peuples autochtones, il faut donc former les jeunes à cette priorité. 


Elle a enfin recommandé d’associer les anciens à chaque assemblée de peuples autochtones; il faut aussi que toutes les agences et organisations du système des Nations Unies fournissent une aide financière et technique aux initiatives venant de la jeunesse.  Il faut créer une équipe spéciale de la jeunesse autochtone dans les principales agences de l’ONU.  L’ECOSOC et toutes les entités pertinentes doivent mettre en place des mécanismes de mise en œuvre de la Convention sur le travail des enfants.  Enfin elle a appelé à proclamer une deuxième décennie, des peuples autochtones dans la mesure où la première sera bientôt achevée mais sans grands résultats et à reconnaître le droit à l’autodétermination des jeunes autochtones.  Mme Garett a également déploré le faible nombre de jeunes autochtones présents à ces débats.


M. NILS KASTBERG, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), a expliqué que les jeunes autochtones se heurtent à davantage de difficultés que les adultes compte tenu de leur invisibilité.  Ils sont les «oubliés» des politiques publiques.  Beaucoup se voient nier le droit fondamental à un nom et à une nationalité.  Il faut briser ce cercle de pauvreté et de discrimination.  Pour cela il faut collecter des donnés plus détaillées permettant de faire apparaître la situation des enfants autochtones.


Le représentant a expliqué que l’UNICEF travaille plus particulièrement sur les questions de la protection des enfants contre la violence, les sévices et l’exploitation.  L’UNICEF oeuvre à la  promotion de l’accès aux services de base et pour que les enfants autochtones fassent entendre leur voix.  Le droit de ces enfants à un environnement protecteur crée des devoirs et des obligations à tous les niveaux, parental comme institutionnel.  Nous lançons un appel à tous pour que les enfants autochtones vivent dans un environnement protégé.  Ces enfants subissent une discrimination fondée sur la langue, leur ethnie, leur religion.  Nous soutenons la création d’écoles bilingues qui adaptent leurs programmes aux cultures autochtones.  Nous exhortons également les jeunes à devenir plus actifs au sein de leur communauté et dans les instances internationales.


M. LEE SWEPSTON, Organisation internationale du travail (OIT), a souligné que les enfants autochtones courent un risque particulier en matière de travail car à cause de leur exclusion sociale, ils sont davantage menacés d’exploitation accrue et de marginalisation ; les systèmes éducatifs tiennent rarement compte des besoins spécifiques de ces enfants et les statistiques, nationales et internationales ne prennent pas en considération les réalités spécifiques vécues par eux.


L’OIT travaille pour sa part dans plusieurs domaines prioritaires : l’établissement de normes, la coopération et l’assistance technique ainsi que de la recherche.  Les Etats qui ont ratifié la Convention 169 de l’OIT sur les peuples autochtones et tribales s’efforcent de l’appliquer; plusieurs articles sont particulièrement importants pour les enfants autochtones, notamment les Articles 26, 27, 28 et 29 qui stipulent notamment que les systèmes d’éducation doivent tenir compte des besoins spécifiques des enfants autochtones.  Il s’agit notamment d’assurer à ces enfants un accès égal à l’emploi. 


S’agissant de l’établissement de normes, l’une des quatre catégories de principe de l’OIT concerne l’âge minimal d’emploi car une grande partie des 250 millions d’enfants en dessous de cet âge qui travaillent dans le monde sont des enfants autochtones.  Le représentant de l’OIT a également mentionné la Convention pour l’élimination des pires formes de travail de 1999 qui compte déjà 137 Etats parties.  La première convention de 1930 sur le travail forcé a elle été ratifiée par 161 Etats.


L’aide technique de l’OIT, a poursuivi son représentant, prend plusieurs formes: le programme international sur l’élimination du travail des enfants comporte lui-même plusieurs projets pour traduire ces principes dans la réalité.  Les trois premiers pays à avoir lancé des programmes spéciaux sont El Salvador, le Népal et la Tanzanie, où les enfants autochtones sont nombreux.  Les études récentes montrent en effet que les enfants autochtones constituent un groupe à risque, menacé de se retrouver dans les pires formes du travail des enfants. 


M. JONES KYAZZE, Organisation des Nations Unies pour la science et la culture (UNESCO), a expliqué que les peuples autochtones constituent un thème transectoriel des diverses sphères de l’Organisation.  Mais en premier lieu, l’attention que nous accordons à ces questions relève du respect des droits de l’homme.  Il s’agit de préserver le patrimoine culturel de l’humanité dans la mesure où ces questions ont trait au langage, à l’art, à la médecine traditionnelle, au folklore…etc.  Désormais, il est reconnu que les autochtones ont été les «oubliés» des politiques nationales notamment dans le domaine de l’éducation qui est un élément essentiel de la Décennie internationale des populations autochtones.  Ce thème est étroitement lié à ceux de la pauvreté, de la démocratie et des droits de l’homme.  L’éducation empiète donc sur plusieurs domaines socioéconomiques.  Nous avons adopté au sein de l’UNESCO des directives clef pour l’enseignement de la langue maternelle.  Le document de travail sur les bonnes pratiques dans le domaine de l’éducation des peuples autochtones sera prochainement publié.


S’exprimant au nom du Dr David Nabarro, Directeur exécutif de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Mme JACKIE SIMS qui est chargée du développement durable et des questions d’environnements salutaires, a rappelé que chaque année, 5 millions d’enfants meurent de maladies liées à l’environnement dans lequel ils vivent, notamment d’infections respiratoires (2 millions) et de diarrhée (1,3 million), les deux principaux tueurs, mais aussi de paludisme, d’empoisonnement chimique, d’accidents de la route, de noyades.  Les systèmes immunitaire, nerveux, digestif, des enfants sont en cours de développement alors qu’ils connaissent des conditions de vie dangereuses. 


A Johannesburg en septembre dernier, lors du Sommet sur le développement durable, l’OMS a lancé l’initiative «Alliance pour l’environnement salutaire des enfants».  Les membres de l’Alliance sont des gouvernements nationaux, des institutions spécialisées des Nations Unies, des ONG, des fondations, des groupes de recherche et le secteur privé.  Cette alliance n’en est qu’à ses débuts mais il serait opportun de voir comment y intégrer les préoccupations liées aux enfants autochtones, a-telle suggéré.  L’Alliance met en effet en place un plan d’intervention pour les trois prochaines années portant notamment sur la diffusion de l’information, le soutien aux communautés, pour créer un environnement salutaire pour les enfants; et elle va promouvoir une stratégie participative, favorisant la volonté politique.


Les communautés autochtones, a constaté la représentante de l’OMS, sont particulièrement préoccupées du fait qu’elles elles ne tirent souvent pas partie sur un pied d’égalité des bienfaits du développement.  Aussi l’OMS fait-elle tout son possible pour que la santé des enfants autochtones soit prise en compte dans ses travaux. 


Débat interactif sur les enfants et les jeunes autochtones


M. Marcos Matias Alonso, Membre de l’Instance permanente, a estimé qu’il faut davantage insister sur les traités de défense des droits de l’enfant, notamment la Convention relative aux droits de l’enfant.  Les enfants autochtones sont les nouveaux esclaves du monde moderne et la protection de leurs droits doit être prioritaire.  Des millions d’enfants ont été recrutés comme enfants soldats.  Le sida est une menace sans précédent pour les enfants du monde entier.  Des millions d’enfants ne jouissent pas des droits fondamentaux que sont l’accès aux soins de santé et à l’éducation.  Il faudrait que l’UNICEF élabore des directives destinées aux divers programmes des Nations Unies.  Il faudrait également mettre en œuvre un programme transectoriel dans toutes les régions du monde, privilégier la démarche décentralisée des organismes des Nations Unies.  Nous sommes entrés dans une nouvelle ère de réformes institutionnelles en Amérique latine qui tient davantage compte des besoins et des droits des peuples autochtones. 


Mme Xochitl Galvez, Bureau de la Présidence du Mexique pour les droits des peuples autochtones, a de son coté, recommandé la mise en œuvre de programmes de sensibilisation à la situation des enfants autochtones, de programmes pour préserver leur culture et promouvoir  l’éducation dans leur langue et de programmes de santé de qualité.  Un autre membre de l’Instance, M. Willie Littlechild, a recommandé quant à lui qu’une attention particulière soit accordée à la dimension juridique des droits des enfants autochtones.  Il a recommandé au Comité des droits de l’enfant d’inclure les questions des droits des enfants autochtones à l’ordre du jour de ses prochaines sessions.  Mme Qin Xiaomei, autre Membre de l’Instance, a relevé que les enfants autochtones sont de moins en moins maîtres de leur culture qui sera appelée à disparaître si les tendances actuelles continuent.  


Un autre membre de l’Instance; Mme Njuma Ekundanayo (République démocratique du Congo) s’est demandé si, quand les autochtones sont majoritaires dans une région donnée, il y avait moyen de remplacer l’adjectif «minorité» qui n’est pas, a-t-elle insisté, synonyme d’autochtone. 


Mme Xochitl Galvez (Mexique), Directrice du Bureau du Président pour les droits des populations autochtones, a appelé les gouvernements et organisations représentés ici à analyser les situations, mais aussi les politiques afin de créer de nouvelles formes de coopération et d’éviter que les institutions travaillent de manière fragmentaire.  Pour Mme Ana Pinto, du Centre pour l’organisation, la recherche et l’éducation (CORE), il faut mettre en place dès à présent des mécanismes solides et concrets, revoir toute l’approche au développement afin de pouvoir servir tout le monde.  Par ailleurs, elle a déploré que nombre des enfants qui devaient participer aux travaux, aient été bloqués à l’entrée de la salle pour des questions de laissez-passer.  Le représentant de l’Assemblée des Premières Nations (Canada) a insisté sur le sort des femmes autochtones dans son pays, au dernier rang tous indicateurs confondus et sur le nombre de suicides chez les jeunes.  Il a regretté l’attitude du Gouvernement fédéral canadien et a demandé à l’Instance de prendre spécifiquement note de la situation des femmes et enfants autochtones dans les «prétendus pays développés», comme le Canada.


La Ministre des affaires étrangères de l’Equateur a repris la parole en appelant à ne pas rester «embourbé» dans le discours sur la pauvreté: Mme Pacari Vega a estimé qu’on assiste notamment à la construction d’un processus beaucoup plus participatif et qu’il est important aussi de souligner ces points positifs, propres à rendre aux peuples autochtones l’estime de soi.  Mme Garrett comme Mme Nicolaisen ont, à l’instar de plusieurs orateurs avant elles, regretté que tant d’enfants n’aient pas eu accès à la session: leur participation aurait été importante pour l’efficacité des travaux. 


Le représentant de l’OIT, M. Swepston, rejoint par celui de l’UNESCO, M. Kyazze, a estimé que les organisations qui se sont exprimées travaillent de façon diverse mais complémentaire et que l’essentiel est de renforcer cette coopération.