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construire un Monde en Commun

Construire un monde en commun ? Les communs comme projet politique...

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« Construire un monde en commun ?

Les communs comme projet politique »

 

conférence de Gaël Giraud,

économiste en chef de l’Agence française de développement,

directeur de recherche au CNRS,

 

Institut d’études avancées de Nantes

7 mars 2017

 

 

 

 

 

Transcription de MC

Introduction sur la théorie des communs.

 

P.A. Samuelson, économiste d’après guerre institue la vision d’un monde social couvrant 2 types de biens :

 - les biens publics gérés par l’État : non rivaux (le fait que je consomme ce bien, ne prive personne de ce bien) ; non exclusifs (le fait que je bronze sur les bords de Loire, n’interdit pas à quelqu’un d’autre de bronzer) ;

- les biens privés de la sphère marchande, dont la consommation est rivale (si je mange une part de pizza, vous ne pouvez pas manger cette part de pizza) et exclusive (on peut contrôler l’accès au bien, faire payer la part de pizza).

 Cette partition, faible conceptuellement, s’effondre aujourd’hui. Les économistes mainstream ne parlent plus que des biens privés, et non plus des biens publics.

 

L’économiste E. Ostrom, prix Nobel 2009, propose 2 autres catégories de biens oubliés par Samuelson :

 - les biens communs, dont la consommation est rivale et l’accès non exclusif : la pêche dans un étang par une tribu forestière en Guinée.. Si on braconne la nuit, on brise la chaîne trophique des poissons, il n’y aura plus de poissons l’année suivante. Les paysans ne peuvent faire d’élevage : la gestion des poissons est essentielle pour la communauté.

 - le symétrique opposé : les biens de club, dont la consommation est non rivale et dont l’accès est réglé. Ex : club d’échec (cotisation payée, le fait de jouer aux échecs ne gêne personne ; téléphone (si je suis seul au monde à avoir le téléphone, ça ne sert à rien; si on est 7 Mds, c’est utile) internet.

 Cette partition doit être déconstruite. A partir de cette catégorisation, nous pouvons réfléchir sur la question de savoir si on peut construire un projet politique autour de la théorie des communs.

 E. Ostrom a étudié des cas concrets empiriques de populations, qui ont imaginé des institutions permettant de gérer des communs (forêt, irrigation). Ses équipes ont mené des études en Suisse, Zimbabwe, Canada, Afrique du sud.

 L’économiste a dressé une typologie des règles institutionnelles, qui permettent de conserver les communs.

 

 Exemple de communs : la faune halieutique dans les océans :

 - la sur-exploitation par la pêche entraîne un risque de disparition du poisson vers 2050 dans les océans, qui seront alors peuplés de méduses. Voulons nous vivre avec un océan peuplé de méduses ? Ce n’est pas un problème local, mais un enjeu pour la planète.

- Les poissons ne peuvent être traités comme un pur bien privé par le pêcheur en brisant la chaîne trophique.

- Qui peut prendre soin de la reproduction de la faune halieutique ? Les Etats sont dépourvus, incapables de mettre des gardes-côtes partout pour protéger les poissons.

- Il faudrait une institution internationale pour réguler la faune halieutique. Mais on ne peut que constater la faillite des institutions onusiennes sur ce point. Du côté de la santé, il y a l’OMS qui a joué son rôle dans la crise de l’ébola.

 E. Ostrom met l’accent sur le fait de mettre en place des institutions pour préserver la ressource.  Du coup, les économistes s’intéressent aux institutions et dialoguent avec des juristes, des historiens, des ethnologues. G. Giraud pousse l’AFD à aller dans ce sens.

 

La gestion des conflits est centrale dans les institutions. Il faut mettre en place des méta-règles, qui vont régler les conflits avec une herméneutique d’interprétation des règles de premier niveau :

 Par exemple, en Guinée–Conakry, le sage local arbitre comme instance ultime pour trancher le conflit d’interprétation entre les femmes, qui vendent le poisson et les hommes, qui retirent le poisson de l’étang : la négociation est nécessaire entre les femmes et les hommes sur la quantité de poissons à sortir de l’étang.

 A contrario, il faut constater l’échec de l’UE et donc l’échec du système de règlement des conflits d’interprétation des règles entre Allemagne et Grèce. Comment fait on pour sortir de la zone euro ? Ce n’est pas clair dans les traités.

 Pour Pierre Dardot, philosophe, et Christian Laval, sociologue, auteurs des « communs »,  dans l’institution d’un commun, il y a une décision politique d’une communauté. Un bien n’est pas ontologiquement « commun », il est institué comme tel par une décision politique.

Il n’existe pas de bien purement public ou privé. L’autoroute n’est ni l’un ni l’autre, de même que la piscine. La nature ne nous dit pas ce qu’est un bien. Nous décidons des institutions qui vont gérer les biens comme publics ou privés. Du coup, certains biens ont été privés puis publics (comme l’éducation jusqu’au XVIIIème siècle). L’éducation redevient privée aujourd’hui, du moins en partie.

 G. Giraud est en désaccord sur le rôle de l’État avec P. Dardot et C. Laval, qui sont des trotskystes, réglant leur compte avec l’État, dont ils veulent la liquidation. Les communs seraient la société civile, avec les ONG, acteurs essentiels de la société civile.

Au contraire, pour G. Giraud, il faut repenser le rôle de l’État, comme une institution, qui permet les conditions de l’émergence des communs dans la société. Sans subventions, il n’y a pas d’ONG et d’associations.

 Cette proposition s’oppose au néo-libéralisme, comme projet qui repose, depuis les années 30, sur la privatisation de l’espace social, de biens essentiels (terre, travail, monnaie). Une société qui tente de privatiser ces 3 types de biens va vers l’explosion et s’expose a des retours de bâtons comme le totalitarisme selon Polyani (« la grande transformation»). Pour G. Giraud, on est engagé sur une trajectoire analogue: le néo-libéralisme fait croire que l’on peut créer une société sur la privatisation totale. Le populisme est une manière que se donne le corps social pour se sauver.

 

La théorie néo-classique est plus riche que ce qu’en retiennent les néo-libéraux :

 les néo-libéraux adhèrent à la thèse de l’allocation des ressources rares par les marchés, c’est la thèse de la main invisible développée par Adam Smith(« De la richesse des nations ») que les néo-libéraux comprennent de la manière suivante : la confrontation des intérêts de tous sur le marché fait advenir le bien de tous, c’est-à-dire l’optimum social. En fait, cette vision n’est pas cohérente avec l’économie néo-classique.

 

L’économie néo-classique est surtout maîtrisée par les mathématiciens comme Gérard Debreux. Le premier théorème néo-classique est le théorème du bien être, selon lequel un marché décentralisé et libre alloue des ressources rares. Gérard Debreux a affirmé dans le Figaro, qu’il avait démontré que le libéralisme avait raison, sous certaines conditions.

Mais dans la réalité, les conditions de ce théorème ne sont jamais réalisées, à savoir :

- il faut qu’il n’y ait aucune externalité, or aujourd’hui, il y a des externalités écologique ;.

- Il faut qu’il n’y ait pas de rendements croissants, or les industries ont des rendements croissants ;

- il faut des marchés complets, c’est-à-dire tout le monde doit pouvoir s’assurer contre tout type de risque. Or pour le risque météo, ce n’est pas possible; contre le risque politique, les marchés financiers ne sont pas complets.

Ce théorème démontre en fait que les marchés n’allouent pas les ressources rares. Mais pour les idéologues néo-libéraux, le théorème justifie le néo-libéralisme.

Dans les années 80, deux chercheurs grecs ont démontré que les marchés sont presque toujours très inefficaces. Ils n’ont pas réussi à publier leur étude dans une revue académique, car c’était trop sulfureux.

 Dès que les marchés sont incomplets, ils sont inefficaces. En réduisant leur incomplétude, réduit-on leur inefficacité? La réponse est visiblement non. On peut même dire que l’innovation financière dans certains cas empire la situation. Au niveau académique, il n’a pas de démonstration de la capacité des marchés d’allouer les ressources.

 Les universités et écoles enseignent uniquement le chapitre introductif de la théorie néo-classique, qui justifierait le néo-libéralisme.

 

Position et propositions fac e à la folie de la privatisation du social.

 G. Giraud propose les définitions suivantes :

l’acte public est un acte, qui prétend s’imposer à tous en absence de conflit d’interprétation. La tristesse du droit romain est de vouloir être un droit qui s’exempt de l’interprétation.

L’acte privé est un acte, qui ne prétend s’imposer à personne, sauf une personne. Il n’y a plus de conflit d’interprétation, avec l’isolement de la monade leibnizienne.

 Pour Lefort qui réfléchit sur l’institution de la démocratie, les communs relèvent d’une institutionnalisation. Il s’agit de biens destinés à tous dans la tribu sans conflit d’interprétation.

 G. Giraud propose de revisiter les questions qui se posent depuis le XVIIIème siècle et de relire les actes fondateurs de la modernité au regard des communs, comme l’oeuvre de Kant :

 « La critique de la raison pure » de Kant est une tentative de penser un jugement public sans espace interprétatif ouvert. C’est un échec par le schématisme, qui renvoie à la singularité. Sa pensée est singulière et non universelle.

« La critique de la raison pratique » renvoie au devoir qui renvoie à une singularité, qui est la personne.

« La critique de la faculté de juger » introduit l’idée d’un universel sans concept jugement esthétique, ça ne s’impose pas sans débat d’interprétation, ainsi l’idée esthétique peut être discutée. Il y a un conflit herméneutique sur la manière, dont elle ordonne le matériau historique. Cela ouvre la voie aux communs.

 Pour G. Giraud, cette manière de se bagarrer avec les catégories de Kant ouvre la possibilité de choisir quelque chose d’ordonné autour des communs.

Le projet démocratique selon Lefort est un projet d’organisation du lieu d’un débat. On sort des totalitarismes et du néo-libéralisme, qui dissout le lien social.

 

 L’école de Francfort (Adorno) pense le paradoxe de l’Aufklärung :

La rationalité des Lumières conduit aux camps de concentration nazis et au goulag. L’ambiguïté des Lumières est que Kant ne choisit pas entre les projets autour du public (1ère critique) et des communs (3ème critique).

Le totalitarisme renvoie à l’adoption d’une organisation de l’espace social du bien public

Face à la tentation de la privatisation, il y a publicisation de l’espace.

Enfin, il y a la possibilité de l’organisation de l’espace des communs : afin qu’il n’y ait pas de nouvel Auschwitz en Europe.

 On a renoué avec les démons des années 30. La génération des années 70 ne peut plus renouer avec les utopies de Victor Hugo, du XIXème siècle, car l’Aufklärung se heurte au goulag, aux camps de concentration nazis et au défi de la décolonisation. Il faut trouver autre chose.

L’Europe de l’Ouest est orpheline d’un récit eschatologique, qui dit pourquoi on est ensemble. Le peuple européen de l’ouest est comme le peuple hébreu libéré des Egyptiens (Genèse), qui ne sait pas, où il va, arrivé au désert, pour aller vers la terre promise. La récrimination contre Moise fait écho à la Genèse (un arbre interdit).

Or il y a un enjeu spirituel à accepter que la limite donne la vie.

Les limites sont-elles une bénédiction ou une malédiction, perverse qui m’empêche de vivre ? Il existe 3 limites selon Alain dans « l’homo juridicus » :

- l’origine : je ne sais pas d’où je viens fondamentalement

- l’altérité différenciation sexuée

- la mort : ma mort certaine est-elle une bénédiction pour moi ? Il existe l’interdit d’un arbre uniquement. Si tu es une fille, tous les hommes sont autorisés sauf ton papa. Si tu es un garçon, toutes les femmes sont autorisées sauf ta maman. Dans la Genèse, Dieu ne dit pas à Adam et Eve, pourquoi il est interdit de manger la pomme de la connaissance. Il y a un espace vide sur le pourquoi tu mourras ? Le serpent comble le vide et introduit le conflit d’interprétation sur ce vide.

 

Angoisse de perte du projet collectif.

 Dans l’Exode (32), au milieu du désert au bas de la montagne, le peuple est paumé sans Moïse, qui est monté sur la montagne. Cela renvoie à la perte des grandes figures, à l’angoisse collective de perte des grandes figures du projet collectif. Le peuple se construit alors un veau d’or salvateur (magique), qui conduirait vers la prospérité. Moise redescendu de la montagne, fait fondre le veau d’or et oblige le peuple à boire l’or, pour montrer que l’or ne donne pas la vie. De même, le dollar ne donne pas la vie. Manger des lignes de codes ne donne pas la vie.

 Il y a une panne eschatologique : le projet néo-libéral est le veau d’or, qui repose sur une théorie néo-classique, qui montre que les marchés sont inefficaces et qui se contredit elle-même.

 Soubassements dogmatiques et notamment bibliques au projet des communs :

 parenthèse méthodologique :

 L’ascension est un récit peu commenté des Actes des apôtres : G. Giraud propose une interprétation de ce récit, car la Bible permet elle-même son interprétation, elle est opposée à toute lecture fondamentaliste. Elle donne les clés de sa lecture interprétative.

 Ainsi, la Bible se contredit. Les 4 évangiles se contredisent proposant différents visages du christ. La Bible offre des documents littéraires qui se contredisent et qui obligent le lecteur à faire interprétation.

- Le Deuteronome raconte la mort de Moise, mais est supposée avoir été écrite par Moise lui-même.

- L’Ascension :

L’Ascension est racontée dans l’Evangile de Luc et dans les Actes des Apôtres, qui ne coïncident pas. Ce sont pourtant 2 livres écrits par la même personne.

G. Giraud a de l’intérêt pour la seconde version: dans les Actes des Apôtres, les 11 apôtres parlent au ressuscité (Ils ne sont plus 12, car Judas s’est suicidé). Est-ce que c’est maintenant que tu vas rétablir le trône de David ? C’est-à-dire la monarchie contre l’occupant romain ?

Est-ce pour le Christ le moment de l’accomplissement de sa mission messianique ? Le Christ répond : il ne vous appartient pas de connaître l’heure fixée par le père.

Il existe une souveraineté politique du père, qui fixe l’heure qu’il veut pour la fin des temps (eschaton).

Le Christ refuse de s’asseoir sur le trône de David et renvoie à la fin de l’histoire et nous donne la « dynamis », la force, le Saint Esprit, pour vivre l’histoire jusqu'à la fin des temps. Puis le Christ disparaît dans les cieux et deux anges apparaissent et disent que c’est sur terre que ça se passe.

Le Christ refuse de se servir d’idoles en étant le lieu d’incarnation du pouvoir social comme le corps du roi (Kantorovich). A nous de construire les institutions pour vivre ensemble. Nous sommes invités à nous débrouiller pour bricoler des compromis politiques, toujours relatifs, jamais absolus. Personne ne peut mettre la main sur la fin de cette histoire. L’Esprit saint est la « dynamis ».

 

Activation de l’Esprit saint dans le débat entre Proudhon et Marx :

chez Marx, il y a une version sécularisée de l’apocalypse juive, il n’y a pas d’Esprit saint. Le peuple n’est pas chargé d’une mission de construction d’institutions. Le but est d’abattre l’État.

Au contraire, Proudhon croit au pouvoir de créativité (poesis) chez les communautés locales, qui peuvent bricoler des institutions. Henri de Lubac a fait une étude théologique sur Proudhon.

 La question est : est-ce que je crois que les collectivités locales ont les ressources de créativité institutionnelle pour bricoler des institutions ?

 Déclinaison dans le débat au sein de l’Eglise :

le pape est formé à la théologie des peuples qui est proudhonienne.  En face, il y a les romains, héritiers de la construction romano-catholiques qui n’y croient pas.

Les communs  sont ce que ces communautés vont instituer : au-delà des poissons, et du numérique.

 Autre déclinaison, la question de la mesure de la prospérité :

la commission créée en 2010 par N. Sarkozy sur le PIB conduit au rapport sur les indicateurs alternatifs au PIB (Stern, Stiglitz):

Le PIB mesure l’aptitude des voisins à nous faire la guerre : de quelles usines disposent-ils pour nous faire la guerre ? Le travail des femmes à domicile n’est pas dans le PIB, car ne permet pas de faire la guerre.

Stern et Stiglitz font un inventaire d’indicateurs, mais les populations ne sont pas consultées.

ATD Quart monde propose une alternative en demandant aux populations des pays en développement, ce que sont pour elles la dignité et la prospérité.

Des économistes s’en sont inspirés pour construire des indicateurs avec des populations locales

Cette démarche soulève un problème de fond. Est-ce que je crois que les communautés locales ont les ressources pour construire des compromis institutionnels pour ériger des projets politiques ? Et comment vont-elles les évaluer ?

 La question de l’Esprit saint qui dynamise est fondamentale.

 Pour Marcel Gauchet, dans le désenchantement du monde, le christianisme est la religion de la sortie de religion. Cette thèse juste est à traduire dans les catégories exposées :

Par rapport au projet romano-catholique, qui est d’instituer du public dont dérive le totalitarisme, le christianisme veut sortir de ça : mais il a été complice de ça.

Au IVème siècle, ont été énoncées des formules dogmatiques sur le christianisme (le Christ est une personne avec deux natures, à Nicée, Chalcédoine). l’Eglise est piégée par la tentative d’écrire un droit sur les vérités théologiques. La religion civile romaine est transférée vers le droit canonique par l’Église, donnant la possibilité de destituer l’empereur. Pour le pape, c’est l’enjeu.

De même, la Commission européenne s’estime autorisée à défaire un régime démocratique en Grèce.

Il y a une analogie avec la dérive de la Commission, de la tentative folle de la papauté de gouverner par un droit public sans conflit d’interprétation. Les constructeurs européens  étaient des chrétiens.

Les grands concepteurs du capitalisme néo-libéral sont français et chrétiens (Camdessus, Delors, Lamy) et liés aux errements de l’Église, comme le montre Abdelal (Harvard), dans son livre « Capital Rules », alors que Wall street a voulu faire prévaloir les intérêts de l’Amérique. L’idée de mobilité du capital est française, chrétienne.

De son côté, l’Evangile dit : il mettait tout en commun. C’est le projet des Réductions jésuites au Paraguay au XVIIème siècle. 

La thèse de Polany est que la privatisation est une catastrophe. Le lien entre la monnaie, le public et le privé est fondamental.

David Greber montre que la monnaie a été mise en place au IIIème siècle avant notre ère en Mésopotamie. Il y a un acte de confiance en la monnaie.

Dans les cités-Etats, qui assurent la sécurité, les soldats sont payés par l’Etat. Les soldats paient des marchandises dans la ville. Les pauvres à la frontière des villes (nomades) contractent des dettes et sont incapables de payer leurs dettes. ils vendent leurs filles et femmes à la ville décadente, qui deviennent esclaves ou prostituées. Dans la Bible, Babylone la prostituée. Boko Arham : « ce que vous avez fait à nos filles, nous allons le faire aux vôtres » De là s’est construite une culture machiste chez les patriarches qui veulent montrer que leurs femmes ne sont pas des prostituées, et le voile a été institué avant l’Islam, pour les femmes pour dire qu’elles sont dignes. On trouve cette culture machiste dans la Bible, avec Abraham qui doit honorer sa femme.

Il y a un lien entre la privatisation du corps des femmes, la dette, la monnaie et l’État et une collusion implicite très forte entre le privé et le public : le privé ne peut jamais se passer du public pour faire honorer les contrats.

L’enjeu est l’alliance public/privé qui rend possible la monnaie la dette, et l’esclavage, et les communs. Pour rembourser une dette il faut de la monnaie. S’il y a de la monnaie, on peut exiger que la dette soit remboursée, si la personne endettée ne le fait pas, on lui prend sa femme. La propriété privée est liée à la dette.

Aux Etats-Unis, avec la crise des subprimes, les Américains endettés à Cleveland ont perdu leur maison, car ils ne pouvaient pas payer leur dette. Or quand on suspend la propriété privée, on rend impossible l’économie de la dette.

 Autre exemple : « le Marchand de Venise » de Shakespeare :

C’est l’histoire d’un marchand qui veut se marier. Il emprunte de l’argent. Le vrai débat porte sur la garantie pour le prêteur, le collatéral (et non le taux usuraire) qui est le corps du prêteur : « une livre de ta chaire ».

La future promise est le juge ; elle déclare : on n’a pas le droit de faire couler le sang pour payer la dette. Le collatéral ne peut être prélevé.

L’affaire essentielle dans la dette est le collatéral. Ce collatéral n’est pas possible, s’il n’y a pas de propriété privée.

G. Giraud n’est pas d’accord avec R. Girard sur l’interprétation du « Marchand de Venise », qui ferait l’apologie des banquiers et de la dette.

Organiser une société autour des communs, c’est suspendre la propriété et privilégier l’usage et le déconnecter du fructus.

Chacun est un usager, plus personne n’est le propriétaire, car libéré de la pression de la dette.

C’est ce qu’ont compris les Franciscains, qui ont décrété au XIVème siècle être les usagers de leur couvent, et non les propriétaires. Ils ont demandé que le pape soit le propriétaire du couvent. Pour l’Eglise, c’était une bombe. L’Eglise était l’alliée de la collusion privé/public. Elle a donc décrété que les Franciscains étaient propriétaires du couvent.

 

Nous sommes en fait les usagers d’un monde qui nous est confié en commun.

 

 Pour visionner la vidéo de la conférence allez à: https://www.iea-nantes.fr/fr/actualites/conference-de-gael-giraud_698