La Transition écologique...
La transition écologique : comment l’initier (enfin) ?
Retrouvez ci-dessous la synthèse des échanges qui se sont tenus à l’Agence Française de Développement.
Une conférence-débat animée par Anne-Cécile Bras, journaliste à RFI, avec :
- Andrew Steer, président-directeur général du World Resources Institute (WRI)
- Gaël Giraud, directeur de recherche du CNRS
- Alain Grandjean, associé fondateur de Carbone 4
- Gilles Vermot Desroches, directeur Développement durable de Schneider Electric
- Pierre Forestier, responsable de la division Changement climatique à l’Agence Française de Développement
L’économie mondiale connaît une croissance continue : la consommation augmente en permanence et, avec elle, la pression sur les ressources naturelles et les émissions de CO2. Dans ce contexte, il est généralement admis que la transition écologique sera un défi majeur du XXIe siècle et de nombreuses solutions sont en cours d’émergence. Pourtant, le démarrage effectif de cette transition écologique demeure balbutiant. Comment l’initier véritablement ?
Une cause commune, des enjeux économiques majeurs
La transition écologique recouvre des préoccupations universelles, dans le Nord comme dans le Sud : les thématiques de l’énergie, du climat, de la biodiversité concernent tous les pays, dans un contexte d’interconnexion : « la réussite ou l’échec de l’un a des répercussions sur la réussite ou l’échec des autres » (Pierre Forestier). Les impacts de la transition écologique ne sont pas seulement environnementaux, ils ont également des retombées économiques très positives. « Agir pour le climat va nous sauver d’une baisse des taux de croissance et avoir un impact positif sur une partie de la population » (Andrew Steer). C’est pourquoi il est « impératif de lier les préoccupations de développement et les enjeux climatiques » (Gilbert Vermot Desroches).
Transformer les modèles de développement
Chaque année dans le monde, on dépense « 2 000 milliards de dollars (externalités comprises) pour encourager la consommation d’énergies fossiles, alors qu’on ne dépense que 100 milliards pour encourager les populations à privilégier les énergies renouvelables » (Andrew Steer). Le coût des énergies renouvelables a pourtant suffisamment baissé pour devenir rentable au regard des énergies fossiles. Il est urgent de stimuler ces technologies innovantes et propres. Mais la transition écologique, c’est avant tout faire mieux avec moins. « Réduire la consommation énergétique de 30 % serait bien plus efficace que de développer les énergies renouvelables » (Gilles Vermot Desroches). Dès lors, « l’enjeu majeur se situe au niveau de la réduction de la consommation des ressources. Tous nos process, aussi bien industriels, de consommation, de transport, etc., doivent être repensés pour réduire la consommation d’énergie et de ressources » (Alain Grandjean). Dans ce contexte, la question des villes est cruciale. Alors que la population urbaine mondiale « croît chaque jour de 200 000 personnes » et que les « principales métropoles sont responsables d’environ 70 % des émissions de gaz à effet de serre », l’amélioration de la conception et de la gestion énergétique des villes apparaît comme une priorité (Andrew Steer). La restauration des terres est également un axe majeur de la transition écologique. « 2 milliards d’hectares dans le monde étaient autrefois des forêts, et ne sont aujourd’hui ni des forêts, ni des terres agricoles » (Andrew Steer). Revaloriser ne serait-ce que 150 millions d’hectares, comme le prévoient les objectifs de Bonn pour 2020, permettrait de générer 85 milliards de dollars de bénéfices pour les zones rurales concernées et de réduire de 17 % l’écart entre émission et stockage de carbone.
Modifier les comportements individuels
La pression excessive sur les ressources naturelles est souvent directement liée aux comportements des consommateurs. Par exemple, 50 % des produits dans les supermarchés contiennent de l’huile de palme, l’une des principales cultures responsables de la déforestation. « L’engagement des populations, traduit par la modification de leurs comportements d’usage, est nécessaire » à la transition écologique (Gilles Vermot Desroches). On a réussi à sensibiliser les populations à un usage plus sobre de l’eau. Il est possible de le faire pour l’énergie – d’autant que les nouvelles technologies offrent des outils inédits de maîtrise de la consommation énergétique grâce auxquels un Français peut économiser 400 € par an – comme pour les biens de consommation dont la production pèse trop lourdement sur l’environnement.
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Nous devrions penser l’action sur le climat comme un investissement !
Repenser le financement de la transition écologique
On perçoit trop souvent le financement de la transition écologique seulement comme un coût, en particulier dans un contexte de politiques d’austérité. Or, il s’agit d’un investissement, avec créations d’emplois et de revenus à la clé. Mais « tant que les marchés financiers continueront de promettre des rendements sur investissements de 9 %, 10 % voire 15 % par an, soit bien plus que ce qu’aucun investissement réel ne pourra jamais promettre, les flux financiers seront détournés de l’investissement dans la transition écologique ». C’est pourquoi « on ne peut confier aux marchés financiers la charge de nous indiquer la direction dans laquelle investir pour la transition » (Gaël Giraud).
Il est donc indispensable de créer des outils financiers alternatifs comme par exemple le produit d’aide budgétaire innovant, mis en place par l’AFD il y a maintenant 5 ans, pour appuyer les politiques publiques nationales climat, ou le « Fonds vert créé en 2014 et destiné à lever plusieurs milliards chaque année pour faire des prêts à bas taux aux pays du Sud » pour accompagner leur transition écologique (Gaël Giraud).
Convaincre les politiques et porter le sujet dans les négociations internationales
À l’exception de quelques pays très volontaristes comme la Chine, les États-Unis et quelques pays d’Europe qui annoncent des objectifs – pas toujours suivis d’actions –, la transition écologique « n’intéresse pas encore suffisamment les politiques, pas plus que la société civile et les ONG. La force de pression demeure insuffisante. » (Pierre Forestier) et la « formation des élites fait défaut, au point que certains de nos dirigeants sont insensibles au sujet ». En outre, certains acteurs n’ont pas intérêt à ce que la situation évolue : « les grands acteurs de l’énergie se situent du côté de l’offre, et font valoir leurs intérêts » (Alain Grandjean), qui sont évidemment de produire toujours davantage d’énergie. D’où la nécessité des négociations internationales. Une des principales raisons de leur blocage réside dans le fait que « les pays du Sud revendiquent leur droit à l’adoption de certains comportements, arguant du fait qu’il revient aux pollueurs historiques, les pays du Nord, d’assumer le coût de la transition » (Gaël Giraud). Une des conditions nécessaires au succès des négociations reposera donc sur un « effort accru des pays développés et responsables » (Raymond Zaharia). Ce sera l’un des enjeux de la COP 21, qui se tiendra en France en 2015 et a pour but de fixer un accord international et des objectifs chiffrés pour amorcer une véritable transition écologique à échelle mondiale. La préparation des négociations de ce sommet intergouvernemental unique depuis celui de Copenhague est cruciale. « Il est important que la négociation permette à d’autres acteurs que les États d’être présents de manière efficace. Les villes, les acteurs financiers privés ou la société civile doivent pouvoir s’exprimer. Il s’agit là d’une cause commune à laquelle tout le monde doit participer, et qui ne doit en aucun cas être réservée à des négociateurs professionnels » (Pierre Forestier).
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