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Innovation de la planète

«Il faut favoriser ces fécondations improbables»...

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«Il faut favoriser ces fécondations improbables»

 

— 6 juillet 2016 à 17:11

http://www.liberation.fr/planete/2016/07/06/il-faut-favoriser-ces-fecondations-improbables_1464474

 

Pour Gaël Giraud, de l’Agence française de développement, le «Campus» de l’IRD va permettre que des mondes qui ne se parlaient pas assez - chercheurs, créateurs de start-up, bailleurs - puissent le faire.

         «Il faut favoriser ces fécondations improbables»

Gaël Giraud est le chef économiste de l’Agence française de développement (AFD), qui soutient la création du Campus pour l’innovation de la planète.

Qu’est-ce que le Campus pour l’innovation de la planète apporte de nouveau à la problématique du développement durable ?

Je comprends ce campus comme une manière d’essayer de créer une pépinière d’innovation entrepreneuriale sur le développement. On n’a pas de lieux aujourd’hui, en tout cas en France, qui mettent en contact les entrepreneurs africains qui lancent des start-up avec la recherche scientifique, l’IRD, l’entrepreneuriat social, et des grands bailleurs internationaux comme l’Agence française de Développement (AFD). Pour moi, Bond’innov a vocation à devenir un carrefour de rencontre entre ces différentes communautés.

 

Comment mieux innover avec les pays du Sud ?

C’est justement l’objet de Bond’innov. Il y a une chose que, pour l’instant, on ne sait pas faire, c’est mettre ensemble le meilleur de la recherche, les ingénieurs qui font la technologie de demain, les créateurs de start-up, les bailleurs internationaux et l’entrepreneuriat social. Tous ces mondes-là coexistent mais ne se parlent pas, pas assez, ou de manière complètement fortuite. Il faut donc provoquer le hasard et favoriser ces fécondations improbables. C’est cela l’enjeu et ce que veut faire Bond’innov. C’est un pari mais je souhaite qu’ils y arrivent.

 

L’IRD met en avant le concept d’«innovation responsable», qu’est-ce que cela signifie ?

Nous sommes face à d’énormes enjeux climatiques et écologiques qui sont, d’un côté, les dégradations climatiques, qui seront beaucoup plus sévères que ce qu’on imagine actuellement, et de l’autre la raréfaction des ressources naturelles. Face à ces questions, qui vont concerner toutes les sociétés de la planète - et pas seulement les sociétés du Sud même si elles sont malheureusement d’ores et déjà les plus exposées -, la science et la technologie ont un rôle fondamental à jouer. Mais quand on parle d’innovation responsable, on veut dire qu’elle prend en compte la durabilité de la mise en œuvre de ces innovations techniques pour répondre aux questions des enjeux gigantesques de l’écologie. Ce n’est pas le cas, par exemple, de la géo-ingénierie climatique. Cette dernière prétend notamment propulser dans l’atmosphère des particules de soufre qui rempliraient le même rôle que les éruptions volcaniques pour faire baisser la température au niveau planétaire. Il s’agit d’une réponse totalement irresponsable au réchauffement climatique. Quand l’IRD à Bondy dit : nous allons favoriser l’innovation responsable, il s’agit de favoriser les solutions techniques et scientifiques dans une perspective durable, loin de celle des apprentis sorciers de la géo-ingénierie.

Et puis il y a un deuxième volet qui est l’innovation sociale et institutionnelle. Même quand vous avez des innovations techniques, il faut aussi de l’innovation institutionnelle pour les mettre en œuvre, des partenariats publics-privés, des institutions hybrides…

 

L’IRD insiste sur l’idée qu’il ne s’agira pas d’un transfert de compétences Nord-Sud mais d’une coopération avec les pays du Sud. Cette idée n’est pourtant pas neuve ?

C’est nouveau dans la réalité, pas dans l’intention. Cela fait des années que tout le monde a l’intention d’avoir des collaborations avec des partenaires académiques du Sud. Mais ce n’est que récemment que nous avons réussi à le faire et ce pour différentes raisons. D’abord, cela prend du temps d’identifier des partenaires de haut niveau. Maintenant, il y a des vrais centres de recherche dans les pays du Sud, en particulier en Afrique, qui fonctionnent très bien, qui sont de très haut niveau et avec lesquels on peut entrer en relation et on n’est plus du tout dans un sujet de transfert de connaissances du Nord vers le Sud mais vraiment dans une coconstruction de sujets communs. C’est le cas par exemple au Mali, dont un centre de recherches sur les maladies parasitaires est l’un des meilleurs au monde. Le partenariat que l’AFD a avec ce centre se fait dans l’idée d’une coconstruction de solutions à des problèmes, qui sont d’abord en Afrique mais qui peuvent être très vite aussi chez nous, comme un certain nombre de pandémies qui risquent de se développer à l’avenir.

 

Recueilli par Estelle Pattée

 

http://www.liberation.fr/planete/2016/07/06/il-faut-favoriser-ces-fecondations-improbables_1464474