Maria Portugal-World View www.mariaportugal.net
Home » Gaël Giraud » Podcast » Sur France Culture

Sur France Culture

Economie et écologie, un mariage de raison. De cause à effets, le magazine..

 

Economie et écologie, un mariage de raison.

 

De cause à effets, le magazine de l’environnement

 

Quelle relance de l’économie pourrait se faire en respect de l’environnement ?

 

 

Sur France Culture

Le 24/05/2020

 

Dans cette sortie de crise sanitaire, la reprise de l'économie est une priorité pour les gouvernements qui redoutent les conséquences industrielles et sociales de la période de confinement. Avant la pandémie, dans un contexte de réchauffement climatique, les questions environnementales étaient au cœur des préoccupations, notamment citoyennes, et des discussions entre les différents acteurs sur ce terrain politique et économique.

Qu'en sera-t-il aujourd'hui ? La politique de relance économique aura t-elle raison des ambitions écologiques ? Le "Make our Planet great again" d'Emmanuel Macron est-il toujours d'actualité et envisageable dans un plan d'économie 'verte' ?  "Économie et écologie, un mariage semble se profiler à l’horizon..., mais dans quelles conditions, avec quels outils et quels moyens ?", état des lieux et analyses de nos deux invités, Gaël Giraud, directeur de recherche au CNRS en économie, enseignant à L'École Polytechnique, professeur à l'Ecole Nationale des Ponts Paris tech', fellow associé à l'Institut des Études Avancées de Nantes, jésuite, président de l'Institut Rousseau et Sophie Swaton, philosophe et économiste, elle est maître d'enseignement et de recherche à l'Institut de géographie et de durabilité de l'Université de Lausanne où elle enseigne et coordonne au sein du master en fondements et pratique de la durabilité.

 

Aurélie Luneau (journaliste) : Emmanuel Macron et Angela Merkel proposent un plan de relance européen de 500 Mds d’euros. Est-ce un bon début ?

 

Gaël Giraud : C’est un bon début. L’Allemagne a cédé. Mais le plan de 500 Mds d’euros correspond à moins de 1% du PIB de chaque pays. Ce n’est pas suffisant.

La renaissance du couple franco-allemand pour être effective suppose que ces deux pays persuadent les autres pays qu’il faut faire des dons. Il faut saisir l’opportunité de la crise pour poser les bases du monde de demain. On pourrait rembourser la dette en créant une nouvelle ressource fiscale : une taxe carbone, une taxe GAFAM, un taxe sur les transactions financières, ce serait une bonne chose.

 

Sophie Swaton : Est-ce une bonne nouvelle ? Cela dépend de ce que l’on entend dans relance. Il faut que cela soit des dons, des subventions et non de la dette. Avec cela, il faut envisager des changements massifs dans des secteurs clés.

 

Aurélie Luneau (jounaliste) : La pandémie sera-t-elle la dernière ?

 

Gaël Giraud : c’est une répétition générale. Il y aura d’autres pandémies, aux zoonoses, d’autres pandémies liées au changement climatique, la malaria, la fonte du pergelisol en Sibérie va libérer l’anthrax. On s’est débarassé de la variole dans les années 1970, quand tout le monde s’est mis ensemble pour fabriquer un vaccin. Il faut de la coopération internationale.

 

Nos politiques vont être obsédés par l’hémorragie en termes de chômage. Le chômage devrait atteindre 15 à 20% en France. Il ne faut pas céder à la panique pour ressusciter les emplois d’hier. Quelle que soit la place du nucléaire, il faut de la rénovation énergétique des bâtiments, ça améliorera l’emploi, le commerce. Il faut de la mobilité durable avec l’accroissement de la part du ferroviaire) et le verdissement de l’agriculture et pour cela, il faut  reformer la PAC.

 

La Chine était l’atelier du monde avec des salaires très bas. Les excédents commerciaux chinois étaient réinvestis sur les marchés financiers en Occident. Ce mécanisme est grippé. La Chine a réinvesti en Asie et a laissé filé les salaires. L’Afrique sera t-elle la prochaine usine du monde ? On peut avoir des doutes sur la capacité industrielle de l’Afrique. Une réindustrialisation massive de l’Europe est nécessaire.

 

 

Aurélie Luneau (journaliste) Comment le revenu de transition écologique pourrait-il être utile ?

 

Sophie Swaton : cet outil n’est pas un outil miracle. La réindustrialisation doit être accompagnée d’une nouvelle façon de consommer. Ce revenu est local pour soutenir des initiatives dans l’agroécologie, la permaculture.

Comment recevoir ce type de revenu pour lancer un projet ? Sur un territoire, il faut mettre en réseau les parties prenantes, agriculteurs avec des cantine scolaires, pour créer de la résilience sur le territoire.

Le revenu est financé par des coopératives de transitions écologiques sur les territoires. On identifie les communs de ces territoires (eau,…). Apport par les collectivités. Au début, des investissements publics et privés sont nécessaires. Puis les revenus de transition écologique seront auto-financés par ces coopératives au bout de 4-5 ans.

 

Aurélie Luneau (journaliste) : Le revenu de transition écologique est-ce une solution ? Les Etats ou les collectivités pourront-ils tout financer ? Quel est le rôle du secteur privé ?

 

Gaël Giraud : Il ne s’agit pas de se substituer aux aides sociales. Ces revenus s’ajoutent. Je suis très favorable à ces revenus, qui doivent être couplés avec les dispositifs « territoires, 0 chômage », qui ont du succès. Ces revenus sont également à coupler avec les monnaies locales distribuées comme au niveau européen avec de la monnaie hélicoptère.

Les banques françaises continuent de financer des énergies fossiles, l’ancien monde. Ça été dénoncé par des ONG, Oxfam et autres.  Il faudra venir au secours de nos banques plutôt que l’inverse. Le secteur privé est plus endetté que le secteur public : 130% du PIB avant la pandémie.

 

Aurélie Luneau (journaliste) : La tentation sera t-elle celle de l’austérité budgétaire ? 

 

Gaël Giraud : Oui. Prenons l’exemple de la Grèce. Le ratio dette publique / PIB est de 180%. L’austérité budgétaire est le pire des remèdes en situation de déflation. Il n’est pas question de lancer un plan de relance keynésien version 1981, mais un plan de relocalisation avec des revenus de transition et des financements nationaux et européens. La BCE détient 2200 Mds de titres de dettes, dont 400 Mds pour la France. Si on annule les dettes, cela n’empêchera pas la BCE de continuer à opérer. Le seul blocage à l’annulation de la dette publique par la BCE est politique. Il faut un débat et du discernement sur ce qu’on fait avec la dette publique, comment on fait de la dette publique intelligente.

 

Sophie Swaton : il faut envisager l’annulation des dettes et les nationalisations de certaines banques, qui risquent d’être en faillite. Il faut une acceptabilité, plus de démocratie et d’écoute. L’austérité ne va pas marcher. On ne peut pas demander plus après le confinement. Il faut intégrer les monnaies citoyennes, qui favorisent la résilience des territoires.

 

Aurélie Luneau (journaliste) : L’Afrique face à la pandémie ?

 

Gaël Giraud : le virus fait peu de ravage à cause de la jeunesse de la population africaine. Le problème est lié au confinement et non au virus. Il y a des conséquences catastrophiques a cause du ratage des réactions sanitaires. La Grèce s’est est bien tirée comme l’Islande.

 

Sophie Swaton : avec les Fab Lab et la Lowtech, il y a émergence de nouveaux métiers. L’Afrique est porteuse d’innovations. Comment développer plus de collaborations ? Il faut mettre en place une économie de la coopération, de l’échange. 

En Bolivie, en Amérique du sud, les gens meurent plus des conséquences  du confinement que du virus lui-même.

 

Aurélie Luneau (journaliste) : Comment avez-vous perçu les pétitions des entreprises pour mettre l’environnement dans le plan de relance économique ?

 

Gaël Giraud : la transition écologique, c’est le véritable business de demain. La dépendance des entreprises à un actionnariat court termiste rend difficile les investissements verts. Il faut inscrire des règles, qui permettent de récompenser les vertueux. Une taxe carbone s’imposant à tous permet de valoriser des investissements non rentables jusqu’à présents.

La taxe carbone pourrait rapporter des recettes fiscales générant un chèque énergie pour les ménages substantiel. C’est ce que le gouvernement n’a pas voulu faire et qui a entraîné les « gilets jaunes. »

 

Aurélie Luneau (journaliste ) : les aides doivent être conditionnées par des contreparties environnementales. Faut-il de la contrainte ?

 

Gaël Giraud : il faut de la contrainte. On est piégé par l’idéologie de la concurrence pure et parfaite. Cette théorie n’a pas de sens. Il faut imposer des contraintes qui obligent tout le monde à être vertueux sur le plan environnemental.

 

Aurélie Luneau (journaliste) : s’il n’y a pas de contrainte de l‘Etat, le secteur privé pourra t-il s’engager ?

 

Gaël Giraud : effectivement, car le mythe de la concurrence donne une prime aux moins vertueux.

La bonne volonté des entreprises est réelle. Mais il faut repenser la gouvernance des entreprises et les libérer du court-termisme de l’actionnariat.

 

Aurélie Luneau (journaliste) : Comment faire accepter une éco post-croissance qui transforme nos univers mentaux ?

 

Gaël Giraud : comment la rendre acceptable ? Les catégories populaires sont victimes de la manière dont on a fétichisé le PIB.

Il faut changer d’indicateur macro-économique : supprimons le calcul du PIB. Le rapport Stern-Stiglitz de 2010 avait cité une centaines d’indicateurs alternatifs. On ne manque pas d’indicateurs alternatifs.

 

La phrase mantra de nos invités : 

  • Sophie Swaton : "On ne peut plus dissocier le social de l'écologie" ; "Il faut soutenir massivement les emplois de la transition" ; "Le bon niveau d'action est le "glocal"
  • Gaël Giraud : "Un verdadero planteo ecológico se convierte siempre en un planteo social, que debe integrar la justicia en las discusiones sobre el ambiente, para escuchar tanto el clamor de la tierra como el clamor de los pobres."  Laudato Si, 49.  (Une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres)

Le conseil lecture de nos invités :

  • Sophie Swaton : Antoinette Rychner, Après le monde, Éditions Buchet/Chastel, collection « Qui vive », 2020

Le conseil ciné de nos invités :

  • Sophie Swaton  : Béatrice Baud, film documentaire Grande-Synthe
  • Gaël Giraud : Demain de Cyril Dion ; Le Monde selon Monsanto et Sacrée croissance de Marie-Monique Robin ; Le cauchemar de Darwin de Hubert Sauper ; Le Temps des grâces de Dominique Marchais ; Océans de Jacques Perrin ; État d'élue de François Verchère et Luc Decaster ; Le syndrome du Titanicde Nicolas Hulot et Jean-Albert Lièvre ; Solutions locales pour un désordre global de Colline Séreau

Le geste écolo de nos invités :

  • Sophie Swaton : "Se déconnecter de sa boîte mail...et prendre le temps de se ressourcer"
  • Gaël Giraud : "Ne pas manger de viande pendant une semaine et calculer mon empreinte carbone sur un site internet dédié"

Les Liens en plus

  • Zoein : fondation d’utilité publique créée et présidée depuis 2017 par Sophie Swaton, philosophe et économiste. Elle a pour objectifs de répondre aux bouleversements de notre monde au XXIe siècle, particulièrement ceux engendrés par le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité.
  • L'ère de la transition | Le blog de Sophie Swaton
  • Philippe Le Bé, « Avec le Covid-19, le revenu de transition écologique est plus que jamais nécessaire », La pensée écologique, 19 mai 2020
  • Dominique Bourg, Philippe Desbrosses, Gauthier Chapelle, Johann Chapoutot, Xavier Ricard-Lanata, Pablo Servigne et Sophie Swaton, Propositions pour un retour sur Terre, La pensée écologique, 15 avril 2020
  • Sophie Swaton, Face à des ressources naturelles comptées, instaurons le revenu de transition écologique, The Conversation, 13 février 2018
  • Gaël Giraud, Face à une crise économique inédite : le nécessaire engagement massif de l’État, Revue-projet, 1er avril 2020
  • Gaël Giraud, « Il est temps de relocaliser et de lancer une réindustrialisation verte de l’économie française », Le Figaro, 10 avril 2020
  • Gaël Giraud, « Financer la décarbonation », revue Esprit, mars 2020.

 

https://www.franceculture.fr/emissions/de-cause-a-effets-le-magazine-de-lenvironnement/economie-et-ecologie-un-mariage-de-raison?fbclid=IwAR31Fj30tNnlO2GTGXnxBdt3TmV8OH7hjMXQXFBBSqsMU1iD4s1PdS42TYA