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Finance verte

Finance verte...

 

 

La Finance verte rassemble les opérations financières visant

à favoriser la transition énergétique et à lutter contre

le réchauffement climatique

 

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La finance est-elle l’ennemie du climat ?

 

 

Gaël Giraud

Économiste en chef de l’Agence française de développement

Deux ans après la signature de l’accord de Paris sur le climat, dirigeants politiques et acteurs économiques ont rendez-vous demain, dans la capitale, pour le « One Planet Summit ». Pour l’économiste Gaël Giraud, il est urgent de réorienter les flux financiers vers l’économie verte.

 

La finance est-elle l’ennemie du climat ?
 

 

Pourquoi la communauté internationale se réunit-elle à nouveau à Paris sur la question climatique ?

 

Gaël Giraud : Le but est d’arriver à des engagements forts en matière de financement, domaine où l’on est particulièrement en retard. Le coût des infrastructures qui permettront de limiter la hausse de la température mondiale à + 2 °C à la fin du siècle est situé entre 43 000 milliards d’euros et 77 000 milliards pour les quinze prochaines années. C’est l’ordre de grandeur du PIB mondial annuel.

 

Les 100 milliards de dollars annuels d’ici à 2020 prévus à ce jour sont donc très insuffisants…

 

G. G. : Oui. La bonne unité de mesure, c’est les milliers de milliards.

 

Par quoi faut-il commencer ?

 

G. G. : Les solutions techniques sont nombreuses. On n’a pas besoin d’un second Einstein pour opérer la transition vers une société « zéro carbone ». En revanche, la question des financements est compliquée. Il faut développer la tuyauterie financière permettant de réorienter vers l’économie réelle verte les milliers de milliards créés ces dernières années par les banques centrales via les politiques d’assouplissement monétaire. Cet argent a été capté par les marchés financiers où il alimente une bulle spéculative extrêmement dangereuse.

 

Problème, les investissements verts sont moins rentables que les investissements financiers…

 

G. G. : En effet. Il faut donc combiner deux actions : d’une part, réduire la rentabilité artificielle de certains investissements financiers ; de l’autre, augmenter la rentabilité des investissements verts. Des taux de rendement de 15 % sur les marchés, alors que l’économie peine à 3 %, ne peuvent être atteints qu’avec un important endettement privé. Pour réorienter le crédit bancaire, il faut augmenter les exigences en matière de fonds propres associés aux crédits « bruns » (finançant les énergies fossiles). Le « One Planet Summit » sera l’occasion d’annonces sur ce sujet. La banque Natixis pourrait annoncer qu’elle va s’appliquer un régime de bonus et de malus sur ses exigences de fonds propres. Elle mobilisera moins de fonds propres en cas de crédit « vert » – le bonus – et plus en cas de crédit « brun » – le malus. C’est exemplaire.

 

Et comment augmenter la rentabilité des investissements verts ?

 

G. G. : Une taxe carbone permettrait de contraindre les activités polluantes à « internaliser » le coût du dérèglement climatique, donc de les rendre plus coûteuses. Les investissements verts seront dès lors relativement plus intéressants. De plus, la taxe carbone génère de la recette fiscale, ce qui permet de financer des investissements publics verts.

 

L’élargissement de la taxe sur les transactions financières (TTF) serait aussi un excellent moyen de freiner la fièvre spéculative et d’accorder des marges de manœuvre budgétaires supplémentaires aux États – d’où l’heureuse initiative des quatre ministres français, Nicolas Hulot en tête, sur la TTF. Aujourd’hui, le bouquet énergétique mondial provient à 80 % d’hydrocarbures. Le relatif tassement en 2016 de la consommation de charbon, la ressource fossile la plus polluante, ne suffira pas. Et l’on ne peut pas miser sur une capture et un stockage­ du carbone à l’échelle industrielle d’ici à 2050. Il y a urgence aujourd’hui à basculer vers un monde neutre en carbone.

 

À vos yeux, la finance n’est donc pas nécessairement l’ennemie du climat…

 

G. G. : Elle est certes une partie du problème, dans la mesure où des marchés dérégulés offrent des rendements insensés et menacent de provoquer tôt ou tard un nouveau krach. Mais elle est aussi une partie de la solution car, sans elle, on ne pourra pas financer la transition écologique.

 

Vaut-il mieux financer des projets dans les pays développés ou, au contraire, dans les pays en développement ?

 

G. G. : Les deux. Dans les pays du Nord et les grands émergents, il faut mettre l’argent dans la réduction des émissions, et dans ceux du Sud, dans l’adaptation au dérèglement écologique. Au Nord, les efforts consentis sont encore très largement insuffisants. Pour atteindre la neutralité carbone, il faudrait que la moyenne d’émission de CO2 dans le monde en 2030 ne dépasse pas 4,7 tonnes par tête et par an. En France, on est aux alentours de 5. Aux États-Unis, à 17,5. Et en Chine, à 6,5.

 

Au Sud, beaucoup de gouvernements ont parfaitement compris que l’adaptation au dérèglement climatique est une condition sine qua non de la prospérité. Au Vietnam, avec l’élévation du niveau de la mer, le delta du Mékong est inondé chaque année. Et le sel de l’eau de mer rend les sols impropres à la riziculture. Or cette région est tout simplement le grenier à riz du pays…

 

Il semble qu’il est beaucoup plus difficile de mobiliser de l’argent pour l’adaptation…

 

G. G. : Certes. On est beaucoup plus avancé sur la question de la réduction des émissions : un sujet techniquement plus facile. L’adaptation, c’est comme changer de vélo tout en continuant à pédaler…

 

Êtes-vous plus optimiste qu’il y a deux ans ?

 

G. G. : À côté des gouvernements, la sphère financière comprend que le dérèglement climatique est la principale menace pour la stabilité financière – avec l’excédent d’endettement privé associé à la bulle actuelle. De même, les assureurs ont très bien compris qu’un monde à plus de 3 °C n’est plus assurable.

 

Arriverons-nous à tenir l’objectif de limiter la hausse de la température à 2 °C ?

 

G. G. : Les simulations faites par l’Agence française de développement montrent que, pour cela, il faut atteindre la neutralité carbone au plus tard en 2050. D’autant que la sensibilité de la température à la densité de CO2 dans l’atmosphère – ce qu’on appelle la « sensibilité climatique » – semble plus importante que ce qu’on pensait. Il nous faudra avoir de la chance.

 

 Recueilli par Vincent de Féligonde

 https://www.la-croix.com/Journal/finance-est-elle-lennemie-climat-2017-12-11-1100898474