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Peuples Autochtones-ONU

Le Peuple rouge aux Nations-Unies...

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Le Peuple rouge aux Nations-Unies

 

  

L'émergence des autochtones sur la scène internationale

 

 

 

Par M.C 

 

Compte tenu de l’échec de la politique d’assimilation des Etats-Unis dans les années 1960-1970, dans un contexte de forte contestation sociale (mouvement pour les droits civiques, montée du féminisme, arrivée de la nouvelle gauche inspiratrice des mouvements pour la paix et contre la guerre du Vietnam), les groupes de pression amérindiens se sont décidés à faire entendre leurs revendications concernant principalement le respect des droits tribaux et des Traités conclus avec les Etats-Unis dans les enceintes internationales. Les ONG font donc leur entrée dans le système des Nations Unies et cherchent à peser sur l’élaboration de l’action intergouvernementale, particulièrement sur les décisions de la délégation américaine. Au lendemain de l’occupation de Wouded Knee en 1972, des militants amérindiens, principalement des Sioux, membres du mouvement des Indiens d’Amérique (AIM) et des chefs Haudenosaunnee créent le Conseil international des traités indiens (IITC) et demandent au gouvernement la reconnaissance des droits tribaux et de la souveraineté indienne fondée sur les traités signés avec les puissances européennes à partir du XVIIème siècle et avec les Etats-Unis au XIXème siècle. 

Les ONG traditionnelles de défense des droits de l’homme commencent à s’intéresser à ce problème. Cette même année, des anthropologues américains, enseignant à Harvard créent une nouvelle organisation Cultural Survival spécialisée dans la défense des droits des peuples autochtones. L’intérêt suscité par cette question touche aussi d’autres ONG comme le Conseil Oecuménique des Eglises et le Conseil mondial de la paix. Ces dernières notamment ont fait du lobbying auprès de la Commission des Droits de l’homme pour que le problème des droits des peuples autochtones soit mis à l’ordre du jour. La sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités des Nations Unies, organe dépendant de la Commission des droits de l’Homme désigne en 1971 un rapporteur spécial chargé de mener une étude sur la discrimination à l’encontre des peuples autochtones, et cela malgré l’opposition des délégués américain et canadien.  Un groupe de travail sur les peuples autochtones est créé en 1975. Les ONG accréditées ont la possibilité d’y participer.     

A la différence de la communauté noire américaine, les Amérindiens des Etats-Unis se considèrent comme des nations et non comme des minorités ethniques. En tant que nations dont l’existence précède la création de l’Etat américain, les Amérindiens revendiquent leur souveraineté intégrale ou du moins le droit à l’autodétermination sur le fondement des traités. La deuxième particularité du mouvement amérindien consiste dans le fait que les Amérindiens ont déjà fait l’expérience de la négociation au sein d’une organisation internationale. Deskaheh a été le premier représentant indien iroquois à se rendre à la Société des Nations (SDN), en 1923, pour faire reconnaître la souveraineté iroquoise. De cet échec dû principalement à l’opposition du Canada, les Amérindiens en ont conclu que l’accès des organisations internationales n’était réservé qu’aux Etats. Considérées comme des minorités ethniques particulièrement aux Etats-Unis, les Amérindiens ont choisi de s’intégrer dans les débats des Nations Unies en tant qu’ONG. Le North American Indian Brotherhood (NAIB) qui prendra plus tard le nom de World Council of Indigenous People, obtient le statut consultatif en 1974. L’International Indian Treaty Council (IITC), émanation de l’AIM moteur du Red Power, obtient le statut consultatif en 1977 malgré les protestations des Etats-Unis. Ce seront ensuite des ONG plus modérées animées essentiellement par des juristes qui obtiendront le statut consultatif : l’Indian Law Ressouce Center, mais aussi le Four Direction Council et la Inuit Circumpolar Conference. Dans l’immédiat, les droits des autochtones sont défendus essentiellement par des ONG de défense des droits de l’homme.      

 

 La conférence des ONG autochtones de 1971

 

Des ONG créent à Genève un comité spécial des droits de l’Homme chargé d’organiser une conférence sur les droits autochtones. Ce comité donne à l’IITC le pouvoir exclusif de choisir les délégués amérindiens. En définitive, cette conférence voit se réunir de nombreux militants politiques, des juristes et très peu de chefs indiens venus des Etats-Unis mis à part quelques Iroquois. Les Amérindiens ont toutefois, pour la première fois, l’occasion de présenter leurs revendications au sein d’une organisation internationale. C’est aussi le début d’un long processus de négociation avec les Etats-Unis et le Canada. Cette conférence est encadrée par le Conseil oecuménique des Eglises, le Conseil mondial de la paix, et la ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, la Commission internationale des juristes toutes dotées du statut consultatif auprès du Conseil économique et social, et prêtes à aider les amérindiens à faire pression sur les Etats membres des Nations Unies pour qu’ils se définissent contre les Etats-Unis et le Canada. Les Amérindiens n’ont aucun contact officiel avec la délégation américaine d’ailleurs présente comme observatrice lors de la conférence de même que les délégués de 26 autre Etats membres des Nations Unies particulièrement intéressés par ce problème, notamment, la Canada, le Brésil, le Mexique, le Venezuela, la Colombie, l’Argentine, le Chili et Cuba. 

Les revendications des chefs indiens (accusations de violation des droits de l’homme, respect des traités – clauses territoriales) constituent un véritable défi pour les Etats-Unis, dans le contexte de la guerre froide, alors que l’URSS et ses alliées s’intéressent également à cette question. Tandis que l’Administration Carter se veut la championne de la défense des droits de l’homme et stigmatise les persécutions contre les opposants politiques au régime soviétique, l’URSS trouve dans cette question autochtone un moyen de répondre aux attaques américaines. La perspective de la reconnaissance internationale des peuples autochtones inquiète fortement Washington. Pour les Américains, la protection des minorités, catégorie dont relève selon eux les Amérindiens, est du ressort de la compétence fédérale. La décision de la sous-commission chargée de la protection des minorités de réaliser une étude sur le problème de la discrimination contre les populations autochtones et non contre des minorités pose des problèmes en terme de souveraineté La reconnaissance de droits collectifs constitue, en outre, un véritable bouleversement dans la définition des principes généraux du droit international, alors que la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme ne visent essentiellement que des droits individuels. Dès lors, le mouvement des Amérindiens aux Nations Unies est perçu comme étant fortement subversif voire même sécessionniste dans la mesure où ce sont principalement des organisations radicales comme IITC ou NAIB qui sont représentées lors de la Conférence de Genève. Washington refuse le dialogue avec des organisations qu’il considère comme une frange militante non représentative des gouvernements tribaux élus et reconnus au niveau national. Par ailleurs, la couverture assurée par la presse de la Conférence est négligeable aux Etats-Unis.

Le changement de politique des Etats-Unis vis à vis de l’ONU avec l’administration Reagan a des conséquences importantes sur l’attitude générale des Etats-Unis à l’égard des ONG. Sous l’influence de la Heritage Foundation créée en 1973, organisation conservatrice, l’Administration Reagan lance une grande offensive contre les Nations Unies, lui reprochant la partialité des organes politiques de l’ONU, systématiquement anti-américain et anti-israéliens, ainsi que la politisation des activités économiques, sociales, humanitaires, juridiques et apparentées. Ces critiques concernent essentiellement le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et les droits de l’Homme.

Les ONG internationales généralistes et les ONG de droit américain soutenant la défense des droits des peuples autochtones comme l’AIM et l’Indian Law Ressource Center  (créé en 1978 au lendemain de la Conférence des ONG de Genève par des juristes amérindiens) ne pouvant trouver dans le cadre du débat sur la décolonisation une ouverture pour faire entendre leurs revendications, choisissent de porter la question de leurs droits sur le terrain des droits de l’Homme. Deux Iroquois et un Seneca sont autorisés à prendre la parole lors d’une session de la Commission des droits de l’Homme et lui demandent d’autoriser la création d’un groupe de travail sur les populations autochtones en dépit de l’opposition des Etats-Unis.

En 1981, la conférence des ONG portant sur « les peuples autochtones et la terre » est élargie aux peuples autochtones du monde entier (Amériques, Australie, Nouvelle-Calédonie, Sibérie). Dans la mesure où cet élargissement implique d’autres Etats, les Etats-Unis acceptent l’idée de la création, par la Commission des droits de l’Homme, d’un groupe de travail sur les peuples autochtones. La première réunion se tient en 1982. Avant la réunion, des chefs et des juristes indiens se concertent pour définir leur stratégie dans le cadre des futurs débats, et demandent au groupe de travail de permettre à tous les peuples autochtones d’y participer. Seules les ONG accréditées sont en principe autorisées à prendre la parole et à soumettre des rapports aux organismes des Nations Unies. Or il n’existe alors parmi ces dernières que trois ONG amérindiennes: le Conseil International des traités indiens (IITC) et le Conseil mondial des peuples autochtones (WCIP), la National Indian Brotherhood (NIB).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le groupe de travail se donne les missions suivantes : 1/ examiner des faits nouveaux concernant la promotion et la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales des populations autochtones (tels que définis dans le rapport préliminaire rédigé par Martinez Cobo en 1971), 2/ transmettre des documents à la sous-commission en vue du rapport du rapporteur spécial, 3/ observer l’évolution des normes les concernant, 4/ établir les fondements de normes internationales qui leur soient applicables. Les cinq membres du groupe de travail sont recrutés parmi les 26 experts de la sous-commission. Ils se réunissent tous les ans, au cours de la semaine précédant la session de la sous-commission. Dans le cadre de ce groupe, de nombreuses ONG autochtones apportent leur contribution à l’élaboration d’une déclaration de 20 principes devant servir de base de travail aux 5 experts et aboutir à l’élaboration d’une déclaration sur les droits des peuples autochtones. Compte tenu de l’importance du nombre des ONG peu familiarisées avec les procédures lourdes et ne maîtrisant pas le langage diplomatico-juridique, le groupe de travail laisse le champ libre à l’expression de doléances et de dénonciations. Toutefois, cette structure de petite taille favorise les contacts informels entre les gouvernements et les ONG.

Dans les années 1980, les réunions du groupe de travail sont fortement influencées par le conflit est-ouest (confrontation entre Bill Means membre de IITC et le représentant des Etats-Unis sur le Yellow Thunder Camp et le Nicaragua en 1985). Les Etats-Unis estiment, par ailleurs, que les peuples tribaux de l’URSS doivent être inclus dans les débats, alors que pour l’URSS, la Chine et l’Inde, le problème autochtone ne concerne que les Amériques et l’Australie. Les années suivantes sont marquées par l’élaboration de la déclaration sur les droits des peuples autochtones et des travaux sur les droits des autochtones au développement de leur culture et de leur tradition. De leur côté, les Etats-Unis adoptent une stratégie qui consiste à retarder les travaux du groupe de travail en favorisant l’extension de la définition de peuples autochtones aux minorités d’Asie et d’Afrique et en empêchant toute allusion aux droits des peuples à disposer d’eux-mêmes et donc tout rapprochement avec l’article 1 de la Déclaration universelle des Droits de l’homme. Sur le plan politique, il s’agit d’éviter la récupération de la question autochtone par l’URSS et Cuba.

 

La conférence mondiale de Vienne sur les droits de l'Homme (juin 1993)

 

165 Etats, dont les Etats-Unis, sont représentés lors de cette conférence. 800 ONG reçoivent une accréditation. Cette conférence est marquée par de nouveaux clivages politiques liés à l’effondrement des régimes communistes d’Europe de l’Est. A cette occasion, les représentants d’ONG latino-américaines s’opposent à ce que Jimmy Carter, président d’une fondation pour les droits de l’Homme prenne la parole. Lors de son allocution d’ouverture, Boutros Boutros Ghali, secrétaire général des Nations Unies, souligne l’importance des droits de l’Homme, leur universalité et leur lien avec la démocratie. Toutefois, de nombreux pays en voie de développement mettent au premier plan les droits économiques, sociaux et culturels. Pour les Etats-Unis comme pour les autres pays développés, il est plutôt nécessaire de renforcer les mécanismes de protection des droits de l’homme. Les pays visés sont encore rattachés au communisme (Chine, Corée du Nord, Vietnam, Cuba). La Syrie, l’Irak et la Libye sont également concernés.     

La délégation américaine soutient, dans ces circonstances, la création du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme qui est institué par l’Assemblée générale le 20 décembre 1993. Ce nouvel organe de l’ONU est chargé de protéger et promouvoir la jouissance effective par tous, de tous les droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux. Mais les pouvoirs qui lui sont conférés sont en fait bien réduits : il s’agit du pouvoir d’observation, de coordination des différentes instances de l’ONU. Les Etats-Unis encouragent également la Commission des droits de l’Homme à se doter de méthodes et de moyens plus efficaces. De nombreuses ONG sont favorables à cette évolution. Cependant, certains pays comme l’Iran et Cuba souhaitent réduire le rôle des ONG qui sont à l’origine de nombreuses enquêtes sur les violations des droits de l’Homme les concernant s’opposent à la réforme de la Commission en 1994.

Dans ce contexte, la Conférence de Vienne s’est traduite par des avancées notables en ce qui concerne les droits des autochtones. La Conférence reconnaît dans sa déclaration finale « la dignité intrinsèque des populations autochtones et la contribution unique qu'elles apportent au développement et à la diversité des sociétés et réaffirme énergiquement l'engagement pris par la communauté internationale d'assurer leur bien-être économique, social et culturel et de les faire bénéficier des fruits d'un développement durable. Les Etats devraient veiller à la pleine et libre participation de ces populations à tous les aspects de la vie sociale, en particulier dans les domaines qui les intéressent. Considérant l'importance de la promotion et de la protection des droits des populations autochtones et le fait que l'on contribue, par ces moyens, à la stabilité politique et sociale des Etats dans lesquels elles vivent, les Etats devraient, conformément au droit international, prendre des mesures constructives concertées pour leur garantir le respect de tous les droits de l'homme et de toutes les libertés fondamentales, en se fondant sur l'égalité et la non-discrimination, et reconnaître la valeur et la diversité de leurs identités, de leurs cultures et de leur organisation sociale. » Dans son programme d’action, la Conférence recommande que l'Assemblée générale proclame une Décennie internationale des populations autochtones qui commencerait en janvier 1994 et dans le cadre de laquelle on prévoirait l'exécution de programmes orientés vers l'action, lesquels seraient arrêtés de concert avec les populations concernées. A cette fin, elle recommande également la création d’un fonds d'affectation spéciale alimenté par des contributions volontaires. Elle souligne, par ailleurs, la nécessité de créer, dans le système des Nations Unies, un forum permanent des populations autochtones à l'occasion de cette Décennie.

A partir du milieu des années 1990, le dialogue avec les ONG autochtones s'institutionnalise

Les objectifs et les réalisations de la première Décennie pour les populations autochtones

Après avoir déclaré en 1990, que 1993 serait l’année internationale des peuples autochtones, l’Assemblée générale a lancé, sur recommandation de la Conférence internationale des droits de l’Homme de Vienne, la Décennie internationale des populations autochtones (1994-2005) [résolution 48/163]. 
 

Les objectifs de la Décennie internationales sont les suivants :

a/ achever et adopter la Déclaration sur les droits de peuples autochtones;

b/ renforcer la coopération internationale pour aider les populations autochtones à résoudre les problèmes auxquelles elles se heurtent dans le domaine des droits de l’Homme, du développement, de l’environnement, de l’éducation, et de la santé. Les actions et programmes mis en œuvre sont coordonnés par le Haut commissaire des droits de l’Homme pour les Nations-Unies ;

c/ créer une instance permanente des peuples autochtones offrant aux peuples autochtones un meilleur accès à la communauté internationale et leur permettant de l'influencer davantage.


Certains projets ont été mis en oeuvre : 

a/ La création en 2000 de l’Instance permanente (IP) pour les populations autochtones a constitué une étape majeure dans le processus de reconnaissance des droits des peuples autochtones. 

La création d'une instance permanente pour les populations autochtones a été proposée lors la Conférence mondiale sur les droits de l'homme de Vienne en 1993 et examinée par la Commission des droits de l’Homme dans le cadre du groupe de travail sur les populations autochtones (GTPA) en 1993. La création de l'IP est un objectif important de la Décennie internationale (résolution 50/157 de l'AG). 

Les missions de l’IP 
L’instance permanente conçue comme un véritable forum doit permettre aux organisations autochtones de s’exprimer librement sur les questions qui les concernent : droit à l'autodétermination et autonomie, propriété intellectuelle, diversité culturelle, questions touchant à des aspects essentiels de la dignité et de l'identité de l'Homme, droits relatifs à la terre et aux ressources.

Les travaux récents de l’instance permanente
La troisième session de l’instance en mai 2004 a été l’occasion d’apporter une contribution significative à l’examen de la mise en œuvre de la Plateforme de Beijing depuis dix ans, avec une série de recommandations visant à améliorer la condition de la femme autochtone.  Durant cette session, la nécessité de mettre en place un système d’évaluation et de coordination a été soulignée. La création d’un plan pluriannuel des Nations Unies pour les peuples autochtones a également été proposé.  L’instance a également recommandé de porter une attention particulière aux questions régionales et à la recherche de solutions au niveau régional.  Elle a tout particulièrement insisté sur la nécessité de ne pas laisser les peuples autochtones à la marge des efforts visant à réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Elle a également mis en avant la pertinence pour les peuples autochtones des objectifs relatifs à la réduction de la pauvreté et à l’éducation. D’autres questions ont été, par ailleurs, abordées : droits de l’homme, femmes autochtones, enfants et des jeunes autochtones, développement économique et social (santé, éducation, culture).

b/ La création d'un Fonds de contribution des Nations-Unies pour les populations autochtones

 En décembre 2001, l’Assemblée générale a engagé tous les gouvernements et les organismes à envisager d’alimenter le Fonds de contribution des Nations-Unies pour les populations autochtones, si possible en augmentant sensiblement le niveau des contributions. (résolution 56/140).

c/ Pour renforcer la coopération internationale et aider, l'ONU a lancé un nouveau programme : « Populations autochtones : un nouveau partenariat » en vue d’encourager l'établissement de nouveaux partenariats entre les peuples autochtones, les États et les autres organisations, ainsi qu'entre les peuples autochtones et elle-même. Ces partenariats sont fondés sur les principes de l'équité, de la compréhension et du respect mutuels. Ils visent à donner aux populations autochtones les moyens de résoudre elles-mêmes les problèmes rencontrés. Dans ce cadre, différents programmes de coopération ont été mis en place : création de comités nationaux ou d’autres organismes avec la participation des populations autochtones (résolution 58/158), coopération notamment dans le domaine de la formation aux droits de l’homme (programme de bourses destinées aux autochtones en 1997) ; ces programmes sont financés essentiellement par les aides financières allouées suivant une répartition géographique par le Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour la Décennie internationale des populations autochtones.

d/ En 1994, l’Assemblée générale a décidé que la journée internationales des peuples autochtones serait célébrée chaque 9 août pendant la Décennie des peuples autochtones (résolution 49/214 du 23 décembre 1994). Cette date marque l’anniversaire de la première session du groupe de travail sur les populations autochtones en 1982.

e/ L’achèvement du projet de Déclaration sur les populations autochtones est un objectif majeur de la Décennie internationale. Les discussions au sein du groupe de travail ont commencé en 1985. La Commission des droits de l’Homme a créé, en 1995, un groupe de travail chargé de l’élaboration définitive de la Déclaration. Seuls les Etats et les ONG dotées du statut consultatif ont accès à ce groupe qui se révèle donc très fermé à la grande déception des nombreuses ONG ou organisations autochtones qui avaient eu accès plus facilement au premier groupe de travail.

Le projet de Déclaration couvre différents aspects : la protection contre le génocide et l'ethnocide ; les religions, les langues et les établissements d'enseignement ; la propriété, la possession ou l'usage des terres et des ressources naturelles des peuples autochtones ; la protection de la propriété culturelle et intellectuelle ; le maintien des structures économiques et des modes de vie traditionnels ; la protection de l'environnement ; la participation des peuples autochtones à la vie politique, économique et sociale des États concernés, en particulier en ce qui concerne toutes les questions pouvant modifier la vie, le devenir et l'autonomie des peuples autochtones dans les questions intéressant leurs propres affaires intérieures et locales ; les contacts et les liens de coopération traditionnels par-delà les frontières des États, et le respect des traités et accords conclus avec les peuples autochtones.  

Le projet de Déclaration prévoit également que les droits mentionnés constituent les normes minimales nécessaires à la survie et au bien-être des peuples autochtones. Par ailleurs, il prévoit des procédures mutuellement acceptables et équitables pour résoudre les conflits ou les différends entre États et peuples autochtones (recours aux négociations, médiation, arbitrage, tribunaux nationaux et aux mécanismes internationaux et régionaux d'examen des plaintes en matière des droits de l'homme).

En 2004, plusieurs délégations (en particulier la délégation de la Nouvelle-Zélande) se sont déclarées déçues par la lenteur des négociations, qui ont achoppé sur diverses questions : accès aux ressources, droit de propriété et droit à l’autodétermination.  Lors de la dernière réunion en septembre du groupe de travail chargé des négociations, la Nouvelle-Zélande et six autres pays ont proposé des amendements au projet de texte afin d’assurer que celui-ci soit cohérent avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.  Les amendements visaient, par ailleurs, à garantir l’unité territoriale et politique des États, ainsi qu’à souligner la responsabilité des gouvernements dans la définition de l’intérêt général de tous leurs citoyens et le respect de l’exercice du droit à l’autodétermination des peuples autochtones.  Dans ces conditions, la Suède a reconnu l’existence d’une nouvelle dynamique et a estimé qu’un accord était à portée de main et qu’il était dans l’intérêt de tous de ne pas manquer cette occasion lors de la dernière réunion du groupe de travail spécial. Réuni pour la sa dernière session à Genève du 29 novembre au 3 décembre 2004, ce dernier a abouti à l’adoption du projet de Déclaration.

La Déclaration qui doit être adoptée par la Commission des droits de l’homme lors de sa prochaine session ne devrait pas avoir de valeur juridique contraignante. Elle devrait toutefois avoir une portée politique et morale réelle et compléter les instruments relatifs aux droits de l'homme déjà en vigueur.


Toutefois, dans d’autres domaines les objectifs de la Décennie n’ont pas été atteints.

a/ les populations autochtones continuent de rencontrer de nombreuses difficultés :

- violations des droits de l’homme civils, politiques, économiques, sociaux et culturels en dépit des nombreuses recommandations faites par les instances des Nations-Unies ;

- perte d’identité en lien avec la poursuite de politiques assimilationnistes. Les populations autochtones deviennent, par ailleurs, très dépendantes des programmes d’aide et d’assistance des gouvernements ;

- pauvreté plus importante que le reste de la population ;

- impact négatif des grands projets de développement d’infrastructure, tels que les barrages, sur leurs conditions de vie (usage des ressources, mode de vie, intégrité culturelle, déplacements de population parfois violents). Ces projets sont mis en oeuvre sans consultation préalable des populations concernées ;

- absence d’accès équitable à la justice dans bien des cas et pénalisation, notamment par le recours à des législations antiterroristes, des activités de protestations sociales et politiques des populations autochtones. Le secrétaire général des Nations Unies a, à maintes reprises, invité les gouvernements à adopter des mesures urgentes visant notamment à garantir l’accès libre et égal des autochtones aux services d’administration de la justice, ainsi que les mesures nécessaires pour combattre la discrimination contre les autochtones et abolir l’impunité des actes discriminatoires à leur encontre. Ces exhortations n’ont pas été suivies d’effet.

- vulnérabilité particulière des femmes autochtones victimes de multiples discriminations. La situation des enfants est également dramatique dans de nombreux pays, par exemple en Colombie (recrutement de force dans les zones de conflits armés).

b/ Des incertitudes demeurent sur le plan juridique. 

La question de l’application du principe du droit des peuples à l’autodétermination aux peuples autochtones divise l’opinion internationale. C’est une des raisons qui ont retardé l’adoption du projet de Déclaration.