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MESSAGE DU CONGRÈS LOYOLA 2022

MESSAGE DU CONGRÈS LOYOLA 2022 JUSTICE ET ÉCOLOGIE...

MESSAGE DU CONGRÈS LOYOLA 2022 JUSTICE ET ÉCOLOGIE... - Maria Portugal-World View

 

 

VERS UN RENOUVELLEMENT PLUS PROFOND : APPEL À LA CONVERSION…

 

MESSAGE DU CONGRÈS LOYOLA 2022 JUSTICE ET ÉCOLOGIE

 

 

Taduction non officielle

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Le tout premier Congrès Justice et Écologie a réuni, dans la maison natale de saint Ignace, les apostolats sociaux des provinces jésuites d'Europe et du Proche-Orient pour lire les signes de notre temps à travers la lentille de la Sainte Trinité contemplant le monde. Beaucoup de personnes n'étaient plus avec nous ou n'ont pas pu venir à cause de la pandémie persistante, qui a jeté son ombre sur l'Europe il y a exactement deux ans. Pourtant, il y avait une grande joie à être ensemble dans notre immense diversité, non seulement de nationalités et de milieux - 153 délégués en personne et d'autres en ligne, de 26 pays et de centaines d'organisations - mais aussi d'états de vie : en tant que jésuites et laïcs, hommes et femmes, jeunes et vieux.

Le Congrès a reflété ce que le Supérieur Général de la Compagnie de Jésus, le Père Arturo Sosa SJ, nous a dit dans son discours d'ouverture : que la mission confiée aux jésuites n'est pas la propriété des jésuites mais qu'elle est de plus en plus partagée avec les collaborateurs et les partenaires de la mission dans un esprit de collaboration toujours plus profonde et d'écoute mutuelle entre égaux, comme il sied à une Eglise synodale. A cet égard, l'un des objectifs du Congrès était de permettre une plus grande intégration du corps apostolique et un alignement de tous nos réseaux (le Service Jésuite des Réfugiés, le Réseau Xavier, les Centres Sociaux, le Réseau EcoJesuit-Europe et le réseau des délégués sociaux) sur les Préférences Apostoliques Universelles (les PAU) comprises comme un tout inséparable.

C'est un boulet de canon dans la jambe d'Ignace qui l'a ramené à Loyola pour se rétablir, et qui a déclenché sa conversion. De tels événements isolés peuvent découler de grands changements historiques. Nous sommes conscients que notre monde, lui aussi, vit un moment de boulet de canon. Confrontés à une urgence climatique de plus en plus alarmante, à l'extinction massive des espèces et à une pandémie mondiale qui a fait voler en éclats les économies du monde entier, nous sommes arrivés à Loyola un mois après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, au milieu d'un conflit forcé entre les deux pays.

  Nous sommes arrivés à Loyola un mois après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, au milieu d'une migration forcée d'une ampleur sans précédent en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, et alors que la flambée des prix du carburant et les pénuries alimentaires poussent de nombreux pauvres au bord du gouffre. Que fait Dieu, à l'œuvre parmi nous, de ce moment ? Quelles grâces de conversion au milieu de cette tribulation Dieu nous invite-t-il à recevoir ?

Le thème de la transformation a émergé le premier jour : nous avons constaté la nécessité d'une nouvelle façon de vivre et d'être, qui renonce au besoin déchu de contrôle et de pouvoir de l'homme, et cherche au contraire à vivre en harmonie avec Dieu, la création et nos semblables, humains et non humains. Conscients en particulier de l'appel que nous lance le pape François dans Laudato Si' et Fratelli Tutti, nous avons exprimé un fort désir de changement, à la fois dans notre monde et en nous-mêmes - un changement conscient de nos racines profondes dans notre tradition ignatienne qui trouve l'espoir dans l'urgence et la douleur de ce moment.

Lors des présentations et des discussions sur l'urgence climatique, nous avons été interpellés par la colère, l'anxiété et la peur des jeunes qui nous ont parlé, et par leur conviction que, malgré de nombreuses paroles et promesses, notre société avance en somnambule vers une catastrophe qui est déjà à nos portes. Les exposés des experts l'ont confirmé : le principal moteur de la destruction écologique n'est pas l'augmentation de la population mais l'aggravation des inégalités, en particulier l'accroissement de la richesse des plus riches. Où iront les pauvres lorsque de grandes parties de la terre deviendront trop chaudes et trop humides pour permettre la vie humaine, et qu'est-ce que cette perspective exige de nous maintenant ? Nous avons vu qu'il n'est pas possible d'atteindre les objectifs de développement durable (ODD) sans un changement radical de notre façon de faire vivre, ni aucune transition sans un changement ambitieux et douloureux. Et aucune conversion de ce type ne sera possible sans une profonde conviction culturelle et politique qu'une telle remise à zéro ne peut plus être reportée. Pour l'Europe, où une société vieillissante, inégalitaire et complaisante est attachée à sa culture du bien-être, ce n'est pas un mince défi.

  Avant même le retour de la guerre en Europe, nous vivions une époque de déplacements massifs, provoqués par les guerres, la pauvreté, le changement climatique et l'urgence écologique. Si toutes les personnes déplacées constituaient un pays, celui-ci serait le cinquième plus grand du monde. Pourtant, au lieu de relever ce défi en collaboration et avec détermination, comme nos gouvernements ont cherché à le faire face à la crise climatique, ils continuent à avoir peur des mouvements populistes qui attisent l'hostilité populaire. Dans toutes nos nations, les gouvernements continuent de mener des politiques qui déshumanisent ceux qui viennent chercher protection sur nos côtes, bafouant ainsi leurs engagements en vertu du droit international. Nous ne pouvons pas rester silencieux face à l'horreur continue en Méditerranée, la route migratoire la plus dangereuse au monde, où plus de 22 000 personnes sont mortes depuis 2015. Nous ne pouvons pas non plus nous taire face à une autre horreur, encore plus cachée : la mort lente de l'espoir chez nos frères et sœurs confinés mois après mois dans nos cruels centres de détention. Là, face à la violence spirituelle d'un système qui cherche à les isoler et à les briser, à les rendre invisibles, à leur dénier le droit de vivre, nous rencontrons le visage douloureux du Christ.

Mais nous y rencontrons aussi des éclats de lumière et des sources de consolation. La première source d'espoir est la résilience des migrants et des réfugiés eux-mêmes. Bien qu'ils aient tout perdu, nous entrevoyons dans leur fragilité - dans laquelle nous trouvons notre propre reflet - ce que Dieu veut que nous soyons. La seconde est la conversion et la transformation qui s'opèrent chez ceux qui marchent avec les migrants et les réfugiés démunis, en leur ouvrant leur maison et leur cœur. Comme le JRS le découvre chaque jour, l'accueil, la promotion, la protection et l'intégration des migrants et des réfugiés nous conduisent au cœur même de l'Évangile, nous ouvrant à la présence divine parmi nous. Cette expérience nous amène aujourd'hui à demander une plus grande audace dans la défense de la cause des réfugiés. Nous exhortons l'Église à inviter tous ceux qui le peuvent à faire de la place dans leurs maisons pour l'étranger, comme tant de gens le font en Europe pour les Ukrainiens qui fuient la guerre. Les jésuites et les laïcs présents se sont sentis interpellés par le témoignage rendu, à cet égard, par de nombreuses communautés jésuites d'Europe.

  En rappelant l'appel lancé par le pape François en 2015 pour que chaque paroisse et communauté religieuse ouvre ses portes aux réfugiés et aux migrants, nous invitons nos réseaux à redoubler d'efforts pour les étrangers démunis qui se trouvent parmi nous, et à mettre à profit cette expérience pour aider les autres à surmonter leurs craintes et leurs hésitations. Comme l'écrivait saint Ignace dans sa lettre au Collège de Padoue en 1547 : " L'amitié des pauvres fait de nous des amis du Roi éternel. " Nous considérons cet appel au témoignage radical, qui entre en collision avec la volonté politique de cacher et de faire des migrants des boucs émissaires, comme essentiel à la proclamation de l'Évangile à notre époque, car il montre à une société marquée par la fluidité et la solitude la possibilité joyeuse d'une communauté humaine née d'un plus grand "nous".

La troisième espérance est le témoignage puissant des actions et des enseignements du Pape François et de la Section Migrants et Réfugiés du Dicastère pour la Promotion du Développement Humain Intégral du Vatican. En plaçant cette question au cœur du témoignage de l'Église et de la proclamation de l'Évangile, le pape François a mis au défi la rupture entre la foi et la vie de trop de catholiques qui tentent d'en faire une question secondaire. Comme il le dit dans Gaudete et Exsultate, une telle séparation n'est pas acceptable pour un chrétien, "pour qui la seule attitude correcte est de se mettre à la place de nos frères et sœurs qui risquent leur vie pour offrir un avenir à leurs enfants."

Nous avons entendu ici à Loyola une invitation concrète, tant à nos réseaux qu'à nos communautés ecclésiales : aider nos sociétés à réimaginer d'urgence notre idée de la vie bonne par l'enseignement et des exemples concrets, basés sur notre expérience et notre témoignage de vie durable et de proximité avec les pauvres. Une telle réimagination nous appelle également à promouvoir et à vivre une anthropologie relationnelle dans laquelle les femmes et les hommes sont compris comme faisant partie de la nature, en interaction constante avec elle. Cette nouvelle vision nous appelle également à réimaginer le pouvoir comme un service, pour le bien des autres, à partager dans la collaboration, la coopération et la coresponsabilité. Dans cet appel, nous avons vu le lien inséparable entre une conversion écologique et une conversion synodale.

 En tant que Congrès, nous avons considéré que les défis de l'écologie et de la migration sont des questions de justice entremêlées, et qu'ils doivent être mieux intégrés dans notre témoignage et dans nos actions. Nous avons besoin maintenant d'un engagement prophétique et radical face à la crise écologique, du type de celui que le JRS a donné depuis 1980 au défi des migrants et des réfugiés. De même, nous avons vu que nous ne pouvons pas séparer l'appel à une conversion synodale d'une conversion pastorale, missionnaire et écologique. Nous avons vu la nécessité à l'avenir de développer et de mieux comprendre ces interconnexions et d'autres interconnexions de justice, et à son tour de les lier explicitement aux quatre UAP, qui expriment notre mission évangélique aujourd'hui et nous disent, selon les mots du Père Général. "comment nous devons vivre dans ce que nous faisons".

La conversion qui reflète un mode de vie différent et plus simple doit commencer d'abord par nous-mêmes, nos communautés et nos institutions, et nous continuons à lutter contre notre complicité dans tant de domaines qui doivent changer. C'est un voyage que nous entreprenons ensemble, en collaboration, en nous engageant à partager nos ressources spirituelles et matérielles. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont complexes et les petits pas sont essentiels alors que nous travaillons en partenariat avec les jeunes pour un changement systémique transformateur. Dans nos rencontres avec les pauvres et les vulnérables, l'Esprit de Dieu se manifeste et nous permet d'agir d'une manière qui dépasse nos forces. Dans la gratitude et la louange pour tout ce que Dieu nous a donné, nous puisons dans la compassion, la foi et l'espoir suscités par notre travail commun au sein de nos réseaux et communautés. Nous ne désespérons pas, mais nous nous engageons à réfléchir à tout ce qui précède, à la lumière de l'appel radical du Christ à la conversion. Et à agir.

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