INFOGRAPHIE - Gros plan sur la déforestation de l’Amazonie
Enquête La forêt amazonienne fait actuellement l’objet d’une recrudescence d’incendies volontaires afin d’accélérer la déforestation et d’installer cultures ou élevage. Une pratique soutenue par le nouveau président.
Denis Sergent, le 24/09/2019 à 14:51 Modifié le 25/09/2019 à 16:32
► Quelques repères géographiques et écologiques
Dotée du bassin hydrographique le plus dense au monde, la forêt amazonienne est un ensemble hétérogène, difficile à délimiter. Pour simplifier, elle s’étend sur 7,7 millions de km2, répartis sur 9 pays. Son cœur est constitué de forêts équatoriales et tropicales (selon leur latitude), denses et ouvertes (selon leur densité), où la pluviométrie varie de 2 000 à 2 600 mm de pluie par an.
La forêt amazonienne s’étend sur 9 pays.
Cette forêt humide (ou ombrophile) couvre environ le tiers de l’Amazonie brésilienne. En revanche, au nord-ouest, l’État d’Amazonas est riche en marais, tandis qu’au sud et à l’est, les États de Maranhao, de Tocantins et du Mato Grosso sont constitués de forêts de transition (forêts de palmiers, de lianes, d’arbres perdant leurs feuilles à la saison sèche) et de savanes arborées.
Les 8 autres pays amazoniens sont la France (Guyane), le Surinam, le Guyana, le Venezuela, la Colombie, le Pérou, la Bolivie et l’Équateur.
► Où sont les principales zones déboisées ?
Les zones déboisées ont globalement la forme d’un croissant s’étendant depuis la frontière du Pérou (à l’ouest), jusqu’aux environs de Belem, sur l’estuaire du fleuve Para (à l’est).
« On distingue 3 régions de déforestation massive : au sud-ouest dans l’État du Rondônia (petite et moyenne propriété) ; au sud dans le nord du Mato Grosso (grandes et très grandes fermes cultivant le soja qui est exporté en Europe) ; et enfin une vaste région allant du nord-est du Mato Grosso à Belem, le long de l’axe routier Belem-Brasilia ».
En marge de ces régions principales, ont également été déboisées la région de la route transamazonienne, la vallée de l’Amazone près de Santarem et Alenquer et enfin, à la frontière avec le Venezuela et le Guyana, le Roraima (petits et grands élevages de bovins).
► Comment a évolué la forêt de 1970 à 2005 ?
Avant les années 1970, la déforestation en Amazonie représentait à peine 100 000 km2, estime Philip Fearnside, biologiste américain travaillant à l’Institut national des pêches d’Amazonie (INPA) à Belem, cité par François-Michel Le Tourneau, géographe au CNRS, spécialiste de l’Amazonie brésilienne (1).
Entre 1970 et 2015, les écologues brésiliens de l’Institut national de recherche spatiale (INPE) qui surveillent la forêt au moyen de satellites (et qui savent distinguer un incendie d’un feu de camp, contrairement à ce qu’a affirmé un ministre du gouvernement), considèrent qu’un total d’environ 800 000 km2 de forêt brésilienne a été déboisé. Soit l’équivalent de l’Hexagone et du Royaume-Uni. « De 1975 à 2005, se sont écoulés 30 ans de déboisement intensif », précise François-Michel Le Tourneau.
► Et de 2005 à aujourd’hui ?
Les quinze dernières années sont marquées par différentes périodes. En 2005 et 2014, les gouvernements brésiliens de Lula puis Dilma Rousseff se montrent soucieux de jouer un rôle responsable, sur la scène internationale, en matière de gestion des ressources naturelles. Ils ont ainsi tenté de maîtriser la déforestation et ont obtenu « d’excellents résultats », à en croire François-Michel Le Tourneau.
Mais depuis, on assiste à un rebond de la déforestation, probablement particulièrement marqué depuis l’arrivée de Jair Bolsonaro au pouvoir, début 2019. Le nombre d’incendies volontaires explose actuellement : 1 284 départs le 2 septembre rien qu’en Amazonie brésilienne. Ainsi, la déforestation a augmenté de 88 % entre juin 2018 et juin 2019, et de 222 % entre août 2018 et août 2019 ! Ou encore de 40 % sur les douze derniers mois selon l’INPE. Des chiffres que conteste Jair Bolsonaro.
Mais déjà, durant la campagne électorale de 2018, on a observé une augmentation rapide des surfaces déboisées. Dans l’État d’Amazonas par exemple, des « aires protégées » créées par les gouvernements précédents pour contenir la déforestation avaient été rétrécies. « Près de 1 million d’hectares (40 % de ces unités) seraient ainsi rouverts aux activités économiques », précise François-Michel Le Tourneau.
► Comment s’effectue le déboisement ?
Le biologiste Philip Fearnside identifie plusieurs types de « déboiseurs » : des migrants sans terre, des éleveurs, de grands agriculteurs, des exploitants forestiers, des orpailleurs, des pauvres vivant pratiquement à l’état d’esclaves ou encore des trafiquants de tout acabit (blanchiment d’argent, faussaires de titres fonciers).
Après l’ouverture de pistes, la déforestation commence par l’abattage des espèces nobles (noyer du Brésil, bois-de-fer, angélique…). Les petits propriétaires confient ce travail aux forestiers et leur vendent le bois d’œuvre (matériau de construction), se constituant ainsi un capital de départ.
Puis, ils pratiquent la technique dite du brûlis : ils mettent le feu pour nettoyer le sol, détruisant le sous-bois afin d’accélérer la pousse de l’herbe pour y installer bovins et zébus de races à viande. Les bovidés amazoniens sont passés de 8,5 à 80 millions de têtes entre 1974 et 2015 !
(1) Cet article s’inspire de l’ouvrage L’Amazonie. Histoire, géographie, environnement, CNRS éditions, 28 p., 27 €.